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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/141

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notion d’autorité. L’Eglise s’apercevait, au jour le jour, que le reflux même de la réaction politique amenait les princes et les préfets, les généraux et les riches bourgeois, à faire bon marché de leurs susceptibilités protestantes ; qu’ils accueillaient bien les missions, les encourageaient, les félicitaient, faisaient présenter les armes lorsque les missionnaires élevaient la croix. C’était déjà beaucoup ; et l’Eglise, peut-être, en retour des services politiques qu’elle consentirait à rendre, pouvait obtenir d’autres marques de faveur, ou même exiger un surcroît de libertés.

Mais une équivoque était menaçante, d’où résultait un grand péril. L’Allemagne traversait une de ces périodes de représailles qui succèdent à l’effarement des révolutions : il semble, durant ces périodes, que les nations reculent ; en réalité, elles ne font que marquer le pas ; l’effet des révolutions subsiste ; les nations, ayant repris haleine, poursuivent leur marche, au prix d’autres bousculades ; la course au progrès, vaste pièce que joue l’humanité, est coupée par les intervalles de réaction comme par des entractes ; mais les actes joués demeurent joués. Si l’Eglise s’enlizait dans une suite de coquets manèges avec les puissances politiques et sociales enfin rassurées ; si, monnayant aux masses, exclusivement, les promesses divines qui récompensent la résignation, elle obtenait en échange, des États satisfaits, certains droits inédits ou certains privilèges inattendus ; si ces victoires mêmes la faisaient apparaître aux populations allemandes comme la force réactionnaire par excellence, que deviendrait-elle et quelle figure ferait le Christ au jour inéluctable où la période de réaction serait close ? Alors, pour avoir trop finement joué, l’Eglise se trouverait à la merci des gouvernemens nouveaux, et séparée de l’âme populaire par de haineux et durables malentendus. Le Verbe de Dieu, en Allemagne, avait cessé d’être enchaîné : allait-il, au lendemain de son émancipation, passer compromis avec les puissans, pour commander le silence des peuples ? De la réponse que ferait à cette question l’Eglise d’Allemagne, l’avenir dépendait. Sous le nom de « libertés, » les années 1848 à 1850 apportèrent au catholicisme, dans plusieurs pays, de somptueux cadeaux : la façon diverse dont il en profita, sous les diverses latitudes, fixa pour longtemps ses diverses destinées…

Les catholiques d’Allemagne eurent le mérite de comprendre que si parfois il est bien de réclamer des libertés, il importe,