Delitzsch n’étaient pas sans prix et ne demeurèrent pas sans efficacité, mais les petits artisans, somme toute, en tirèrent plus d’avantage que les ouvriers de fabrique, et les légères accumulations d’épargne requises pour ces divers groupemens les rendaient malaisément accessibles au prolétariat. Précurseur du parti socialiste allemand, Lassalle, dans la Réponse publique qu’il adressait au comité central chargé d’organiser les ouvriers de l’Allemagne, proposait, comme une solution transitoire, la création d’associations ouvrières soutenues par l’Etat, et appelait de ses vœux l’heure où le suffrage universel, disposant des pouvoirs publics, leur arracherait les ressources nécessaires pour permettre aux travailleurs de devenir les propriétaires des fabriques. Les coopératives de production, telles que les voulait Schulze Delitzsch, devaient être librement fondées avec les économies librement accumulées ; elles excluaient, bon gré mal gré, le prolétariat matériellement incapable d’économiser. Les coopératives de production, telles que les voulait Lassalle, devaient être officiellement fondées avec l’argent prélevé sur les riches par l’Etat percepteur d’impôts. Telles étaient les deux écoles vis-à-vis desquelles Ketteler devait prendre position.
Schulze Delitzsch et les autres tenans du « libéralisme » lui déplaisaient par leur philosophie matérialiste, par leur orgueil aisément satisfait, par leur méconnaissance du moyen âge chrétien. Ketteler avait aimé les libéraux de 1848 ; il détestait ceux de 1860, ceux du Nationalverein. Il voyait en eux des jacobins, usurpateurs du mot de liberté, et toujours prompts à se servir de ce mot comme d’une arme contre l’Eglise. Au surplus, Ketteler était un rural, un homme des forêts, qui souffrait en apercevant les campagnes envahies par l’industrie. Il observait, en 1863 même, l’industrie et le « libéralisme » antichrétien essuyant, d’une même allure, de s’introduire dans les montagnes du Tyrol ; il se jetait sur sa plume, dénonçait l’intrusion, dans ces terres vierges et catholiques, de la « terrible force de capital possédée par les ennemis de l’Eglise, » frémissait en songeant à l’air empesté que respireraient les Tyroliens, habitués hier à la fraîcheur de leurs montagnes, « prédestinés, pour demain, à l’esclavage des fabriques. » Il n’y avait pas jusqu’à la personne physique, en Ketteler, qui ne s’insurgeât contre ces manifestations du progrès, il en voulait aux « libéraux » de s’en faire les adulateurs. Une brochure de, 1865, qu’il intitulait : Un catholique