minorité nage dans l’or, tandis que la grande masse tombe dans l’extrême misère, alors, à la place de l’ordre divin, s’installe un péché mortel contre l’humanité, l’usure. »
La science économique fut complice du péché ; mais Lassalle est venu, — Lassalle, le Luther social ; et c’est tant pis pour le péché, si la science allemande est venue comme transfuge au camp des travailleurs, et s’il existe maintenant, grâce à Lassalle, une politique ouvrière, scientifique elle aussi, et émancipée de la politique de la bourgeoisie. Cette science transfuge, à lire les déclarations matérialistes de la presse socialiste, paraît aux antipodes de la foi chrétienne ; Joerg ne le cache pas, et il s’en attriste. Mais il ressort de son exposé que l’antagonisme du régime bourgeois contre le christianisme est singulièrement plus profond ; les catholiques doivent se convaincre, — ce sont ses propres expressions, — que cette « bourgeoisie, partout, nécessairement, se trouve dans une posture d’inimitié mortelle contre la morale chrétienne et contre la révélation, » et que « le grand précepte de l’amour, donné par le Christ, est formellement abandonné par le libéralisme économique. » L’année 1867 n’a pas amené au Parlement de l’Allemagne du Nord le parti ouvrier que Lassalle espérait y faire entrer ; mais du moins, le fonctionnement du suffrage universel et direct pour les élections à ce Parlement fut-il une première victoire posthume du « génial » agitateur. Cette victoire, pourtant, est toute négative : elle ne fait que sanctionner les critiques de Lassalle contre l’idéal politique et social devant lequel le capitalisme bourgeois voulait prosterner l’humanité. Mais quant à la réorganisation de la société, on ne saurait l’attendre du parti ouvrier fondé par Lassalle, parti déjà très divisé, et dont la brève histoire est déjà pleine de scandales ; il faut pour une société nouvelle un esprit nouveau, une force nouvelle d’amour : aux catholiques d’agir. C’est ainsi que Lassalle, dans le livre de Joerg, prend la stature d’une sorte de Messie, élu de Dieu pour préparer les décombres sociaux sur lesquels l’Eglise reconstruira.
Puisque, sur les décombres accumulés par les Germains dans l’Empire romain, les moines Bénédictins avaient créé une vie rurale nouvelle, pourquoi des moines, aussi, ne seraient-ils pas les liquidateurs de la faillite économique provoquée par Lassalle ? Un capucin suisse, le P. Théodose, avait naguère, en 1863, captivé les congressistes de Francfort en leur racontant