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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/171

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Le mouvement d’organisation des classes ouvrières apparaît à Ketteler comme une revanche sur les visées absolutistes d’un État centralisateur, comme le prélude d’une réédification qui rappellera en quelque manière l’architecture sociale du moyen âge.

Mais la société humaine ne se rebâtit pas en un jour ; les perspectives qu’autorise le mouvement ouvrier ne se dérouleront qu’à longue échéance ; et toujours le malaise est urgent… Alors, le 25 juillet 1869, Ketteler, de plus en plus pratique, prêchant devant un auditoire ouvrier dans une chapelle de pèlerinage, détaille, comme le ferait un agitateur de profession, les revendications que les ouvriers doivent présenter aux pouvoirs publics et que déjà leur organisation rudimentaire est peut-être susceptible de faire aboutir.

Augmentation des salaires ; diminution des heures de travail ; repos dominical ; interdiction du travail des enfans et des femmes dans les fabriques : telles sont les revendications ouvrières que Ketteler juge le plus immédiatement réalisables et dont il s’attache à montrer, du haut de la chaire, au nom même de la religion, l’indéniable équité. « Sur d’autres lèvres que les vôtres, lui écrivait un vicaire d’Aix-la-Chapelle, nos bourgeois catholiques n’auraient pu supporter de telles vérités. » Mais au cœur même de ces vérités, dures pour certaines oreilles, reparaissait, — jamais oubliée, ni même estompée, — la pensée fondamentale du Ketteler de 1848. Ces revendications, continuait-il, ne seront efficaces, et leur succès ne profitera aux ouvriers eux-mêmes, que si la religion dirige et réforme leurs âmes. Ketteler n’attend pas de la loi je ne sais quelle magique puissance de réforme, le progrès ne se réalisera qu’avec la collaboration des consciences ; et l’on retrouve dans ce discours, comme dans toute la théologie traditionnelle, l’inflexible conviction que, pour réparer en quelque mesure les effets sociaux du péché originel, il ne faut rien de moins que la contrainte de la loi sociale et l’initiative des vertus individuelles.

À cette date, les idées sociales de Ketteler sont complètement mûres ; il sera en mesure, quatre ans plus tard, de donner au Centre, pour un quart de siècle, un programme de réformes économiques.