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intervenir au nom de la foi ; en raison des périls moraux qu’entraînaient certains abus du régime industriel, l’Eglise devait intervenir au nom de la morale ; elle devait intervenir, enfin, au nom de l’amour. L’épiscopat de l’Allemagne écoutait et approuvait ; et Ketteler demandait que dans chaque diocèse quelques clercs fussent conviés à l’étude des questions économiques, et qu’un prêtre ou qu’un laïque catholique fût spécialement chargé d’étudier l’état de la classe ouvrière, que de temps à autre des conférences groupassent entre eux ces spécialistes des divers diocèses, et qu’ainsi l’Eglise d’Allemagne eût sous les yeux, sans cesse complétée, sans cesse renouvelée, la carte du monde ouvrier. Alors peut-être surgirait l’homme qui serait pour les travailleurs de fabrique ce qu’avait été Kolping pour les « compagnons ; » et de même que tous les petits « compagnons » qui sillonnaient les routes d’Allemagne avaient appris à l’école du « père » Kolping les grandes promesses chrétiennes de rédemption, de même quelqu’un paraîtrait, que le prolétariat de l’usine acclamerait comme un « père, » et qui redirait ces mêmes promesses. Si Ketteler eût pu vivre une autre vie, il eût rêvé d’être cet homme-là.

Quelques jours après, Melchers, archevêque de Cologne, venait à Dusseldorf, où prêtres et laïques tenaient congrès : il les entretenait de cet audacieux coup d’œil que venait de jeter l’épiscopat sur les détresses sociales. Il fut le bienvenu ; car d’un bout à l’autre du congrès de Dusseldorf, ces détresses furent montrées aux consciences. Il n’y eut pas moins de trois grands discours sur la question ouvrière : le premier fut tenu par Sepp, le professeur de Munich ; le second par Schulte, de Paderborn, qui sera bientôt l’un des historiens du Culturkampf ; le troisième par Ernest Lieber, le futur chef du Centre allemand.


Le monde ne doit pas en douter, proclama Lieber, ce congrès sent et sait ce qu’est la question ouvrière ; et si quelqu’un doit agir, ce sont les catholiques d’Allemagne. Les responsables, dans l’existence delà question sociale, ce ne sont pas les pauvres travailleurs, c’est le parti du capital. Ce parti est étranger à l’humanité (entmenscht) parce qu’il est étranger au christianisme, et il est étranger au christianisme parce qu’il met Mammon à la place de Dieu. Oui, il faut que la loi d’airain soit mise de côté. Mais la vraie solution de la question sociale doit venir du Christ. Faire le travailleur chrétien, ce n’est pas si difficile, s’il y a une rénovation chrétienne du parti du capital. Le christianisme recèle la solution de la question sociale.