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pavoiser les édifices publics sur leur passage. Il a autorisé les conseils municipaux à leur fournir des subsides. Il a, — quoique M. Clemenceau en ait dit depuis à la tribune, — exercé une pression sur la Compagnie du Midi pour qu’elle transportât les manifestans à quart de place. Comment nos compatriotes du Midi, dont la chaude imagination était encore excitée par le sentiment de leurs souffrances, n’auraient-ils pas conclu de cette bienveillance, si voisine de la complaisance, à une reconnaissance formelle de ce qu’ils appelaient leurs droits ? Alors ce qui devait arriver est arrivé. La loi a été violée ; mais le gouvernement a-t-il pu en être surpris ? N’avait-il pas été averti, et même bruyamment, de ce qui se préparait ? On ne saurait en dire autant du Midi : il n’avait pas été averti, lui, de ce qui allait se passer. Il a appris un beau matin que des mandats d’arrêt avaient été lancés contre les hommes dans lesquels il avait mis sa confiance, et il a vu venir de partout des soldats et des gendarmes. Qu’il ait éprouvé un sursaut de colère et d’indignation, quoi de plus naturel ? M. Clemenceau s’est décidé enfin, beaucoup trop tard, à adresser aux municipalités déjà en révolte une lettre qui ressemblait à une dissertation, beaucoup trop longue. Le mouvement qu’on avait laissé se former, s’enfler, se déchaîner, pouvait-il s’arrêter devant un morceau de papier ? La rhétorique ne fait pas de ces miracles. Le Midi s’était engagé, devant le monde attentif, à passer de la parole aux actes : il l’a fait, et le gouvernement a dû employer la force. Le sang a coulé : ce qui précède montre assez à qui en revient la responsabilité.

À Paris, on a commencé à éprouver quelque anxiété lorsque M. Sarraut, sous-secrétaire d’État à l’Intérieur, a donné sa démission. M. Sarraut, député de l’Aude, ami de M. Clemenceau qui l’a attaché à sa personne et a cru l’attacher à sa politique, appartient au journal La Dépêche dont on connaît le rôle dans le Midi : il y est l’organe du bloc radical-socialiste ; M. Sarraut a dû son sous-secrétariat d’État à cette circonstance, plus qu’à sa situation à la Chambre. Il ne s’est pas séparé, a-t-il dit, de M. Clemenceau sans un vrai déchirement de cœur, et nous le croyons sans peine ; mais il se sentait désavoué, condamné, presque flétri par ses électeurs, et les colères qui s’amassaient contre lui se tournaient déjà contre son journal. Au surplus, son cas n’était pas unique : on n’a pas tardé à voir que tous les députés du Midi, à peu d’exceptions près, étaient l’objet de la même réprobation. Aucun d’eux n’a mis les pieds dans sa circonscription au moment aigu de la crise, et M. Clemenceau a dit à la tribune qu’aucun d’eux n’aurait pu le faire. Singulier retour des choses d’ici-bas ! Les mêmes hommes qui,