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l’agriculture à l’industrie ; l’Américain au contraire est venu de l’industrie à l’agriculture ; l’un gérerait volontiers sa manufacture comme un faire-valoir rural ; l’autre traite le faire-valoir rural comme une manufacture ou une maison de commerce.

Bouture d’un ancien plant greffée sur un plant nouveau, ou repiquée dans un nouveau cru, il applique, sur un sol plus sauvage que celui de l’Europe du XIIIe siècle, tout l’acquis de l’Europe du XXe siècle. Il multiplie la capacité productive de sa ferme en remplaçant les bras trop chers, qui lui manquent, par une intelligence avisée qu’il aiguise sans cesse. Il est en cela servi par son gouvernement, par ce département de l’Agriculture que dirige depuis quinze ans un ancien fermier, M. James Wilson, ministre rare et d’un prix inestimable, Colbert moderne, dont la modestie égale la compétence et que tous les pays peuvent envier aux États-Unis.

Les premiers pionniers avaient opéré au hasard, cultivant n’importe quoi, n’importe où, préoccupés seulement de « faire de l’argent » immédiat. L’énorme étendue de sol vierge les invitait à une culture superficielle avec laquelle ils ne furent pas longs à voir les rendemens cesser d’être rémunérateurs. Aussi tôt ils se réformèrent. Ils reconnurent la nécessité de rendre au sol sa fertilité par une alternance judicieuse des récoltes, par un assolement qui ne fût pas livré à la fantaisie. Ils se rendirent compte que les procédés extensifs du début entraînaient de très gros frais de production ; tandis que l’agriculture intensive augmentait beaucoup le profit net. Aussi, non contens de recourir d’abord aux fumiers naturels, ils font maintenant le plus large usage des engrais artificiels.

De plus, ils modifient la nature de leurs récoltes et, suivant le climat et les conditions économiques, s’appliquent à adapter leur terroir aux produits qui lui conviennent davantage. Les États du Nord-Est (Ohio, Pensylvanie, New-York), découragés par les résultats misérables de leurs emblavemens, abandonnent le blé et se tournent vers l’avoine, l’herbe et l’industrie laitière, pour lesquels ils sont admirablement doués. Dans le Sud, des fermes à coton, rapportant net 63 francs l’hectare, ont été converties en fermes à bétail et à foin donnant un bénéfice triple.