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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/304

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marchés de Londres. Puis le Danemark entra en lice. Je me souviens avoir mangé à Cordoue et à Grenade des beurres danois, venus par mer à Cadix. Le Danemark aussi nous fit une rude guerre en Grande-Bretagne et nous évinça en partie. Lui-même est maintenant battu en brèche, en Angleterre et dans le Sud de l’Europe, par les beurres de Sibérie, offerts à meilleur marché, qui viennent du milieu de l’Asie s’embarquer sur la Baltique.

Aujourd’hui où, pour le transport des personnes, on ne considère plus la distance mais la durée du voyage, où l’on ne dit plus que telle localité est à tant de kilomètres, mais à tant d’heures d’une autre, on s’habitue, pour le trafic des marchandises, à ne plus s’occuper de la distance ni de la durée, mais du prix de fret ; et telle denrée, dira-t-on, se trouve, non plus à 300 lieues ni à cinquante heures, mais à 3 ou 6 centimes par kilo de telle autre, géographiquement fort éloignée. De sorte que chaque cultivateur qui sollicite le sol, en n’importe quel point du globe, est concurrencé sans le savoir dans son produit par le cultivateur des antipodes qui se livre à la même culture.

L’entretien de « représentans de commerce, » officiels et nationaux, n’est pas particulier aux Etats-Unis. L’Angleterre et la Russie ménagent dans leurs ambassades un poste de conseiller commercial, dont le titulaire, pour peu qu’il ne s’endorme pas, rend autant ou plus de services journaliers à son pays que l’ambassadeur politique. Je ne sache pas que la France soit entrée dans cette voie. Cependant, le personnel actuel de notre diplomatie, auquel on est censé demander plus d’instruction générale et de compétence technique que de représentation et de magnificence, ne doit plus être attaché par sa grandeur à la cire des chancelleries. On pourrait, sans qu’il en coûtât un sou, choisir quelques-uns de nos agens les plus capables pour en faire des « reporters d’Etat, » industriels et agricoles, informateurs et promoteurs de l’exportation française à l’étranger. Le temps vient, je pense, où il sera moins important de savoir ce qui se dit dans les salons, dans les bureaux de journaux ou dans les couloirs de la Chambre, que ce qui se fait dans les magasins et dans les usines.