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1 250 francs. Souvent celui qui possède un moteur de cette puissance se charge d’arroser ses voisins moyennant 37 fr. 75 centimes par jour. Dix pour 100 de cette somme constituent son profit personnel ; le reste représente le coût du combustible, ainsi que l’entretien et l’amortissement de l’appareil en cinq ans.

Ces détails font voir à quel point l’agriculture est en train de progresser aux États-Unis. N’y aurait-il pas, dans le Midi de la France, nombre de fermes où l’on aurait intérêt à imiter l’exemple du Colorado, et sommes-nous bien sûrs de cultiver notre vieux pays avec autant de sagacité que ces laboureurs américains, supposés encore en enfance ? En plus ou à défaut des puits, à deux mille mètres au-dessus du niveau de la mer, le fermier dose et répand sur sa terre en de minces canaux les pluies d’hiver ou de printemps et recueille l’eau des orages en de profonds bassins d’un ou deux hectares de superficie. Malgré tout, comme on estime qu’un mètre cube d’eau est nécessaire pour irriguer convenablement un mètre carré, les systèmes qui précèdent ne permettent de mouiller qu’une toute petite partie de la ferme. Pour entretenir l’humidité lucrative sur de vastes espaces, il faut le cours permanent d’une rivière.

Partout où ce travail est avantageux et possible, des syndicats, des compagnies à gros capital ont greffé sur les fleuves des canaux qu’ils prolongent à travers plusieurs États, et où viennent se brancher les innombrables prises d’eau dont ils offrent aux riverains de leur concéder l’usage. Ces sociétés combinent la vente de l’eau avec celle de la terre, dont elles ont acquis la propriété. L’une d’elles, dont le siège est à Saint-Louis, et qui a pour champ d’action le Nouveau-Mexique, offre de vendre, pour 42 fr. 50 par semaine, quatre hectares de terres régulièrement irriguées. Ses acheteurs-abonnés deviennent propriétaires au bout de dix ans par le seul paiement de cette rente d’environ 650 francs, qui les constitue en même temps obligataires de la compagnie et leur donne droit à un intérêt de 5 pour 100 sur les sommes qu’ils ont versées. Mais le principal, c’est qu’ils obtiennent, par la jouissance immédiate de la terre qu’ils cultivent, un rendement agricole que la compagnie évalue, pour quatre hectares, à 15 000 francs par an !

Quoi qu’on puisse penser de ces perspectives ultra-brillantes, il n’en reste pas moins évident que l’eau est ici une magicienne