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qui fertilise des déserts immenses presque en un clin d’œil. J’ai vu des hectares d’ « alkalis » qui se vendaient 75 francs, il y a trois ans, et sur lesquels on récolte aujourd’hui pour 3 500 francs Je cantaloups.

Ces déserts d’alkalis, qui figurent encore sur nos cartes d’Amérique au même rang que le Sahara, et que les géographes nous donnaient hier comme impropres à toute culture, l’intelligence de l’homme est en train de les transmuer en un jardin maraîcher, en une aire d’élection pour la betterave sucrière et pour toutes sortes d’arbres à fruits. Ce qu’on nomme « alkali » est un composé variable de chlorures, de carbonates et de sulfates de soude, mélangés au sol vierge dans une proportion qui atteint 6 pour 100 jusqu’à un mètre environ de profondeur.

Ces sels, solubles dans l’eau, sont un présent historique ou préhistorique des montagnes environnantes. Ils sont descendus des hauteurs, charriés par les torrens et les pluies. Mais ce que l’eau a fait, elle peut toujours le défaire. Il suffit d’inonder la Une poussière blanche qui recouvre ces terres, à jamais stériles semblait-il, pour voir l’alcali se délayer et fondre comme un morceau de sucre dans un verre d’eau. On s’aperçoit alors que ces sels incommodes ne sont autre chose qu’un merveilleux engrais chimique, d’une valeur inestimable, dont la nature a gratuitement doté le pays. Seulement, elle s’est montrée trop généreuse ; elle en a mis dix ou vingt fois trop ; il faut enlever l’excédent qui brûle les plantes au lieu de les faire pousser. Une fois le principe posé, le cultivateur américain en a tiré la déduction : on est en train de dresser des cartes-du sol et du sous-sol, d’analyser les échantillons prélevés sur place par des hommes de science et, comme les fermiers n’ont pas de temps à perdre, les cultures auxquelles ils s’adonnent contrôlent, par leurs expériences pratiques, les travaux de laboratoire de l’ « Alkali réclamation service. »

Ils ont ainsi constaté quel était le dosage qui convenait le mieux à la betterave à sucre, beaucoup plus sensible par exemple aux chlorures qu’aux sulfates. Suivant que l’un ou l’autre dominait ou manquait, ils ont reconnu leur influence funeste ou favorable. Suivant la germination de la graine et le développement des racines, ils ont réglé leurs irrigations et leurs drainages pour obvier à l’excès des sels chimiques très irrégulièrement