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clameur de reconnaissance enthousiaste lorsqu’elle s’achève, que M. Albert Vandal se sent lui-même pénétré de gratitude et d’admiration, Si, nous courbant vers cette foule éparse aux quatre coins de la France, l’historien nous permet de l’écouter et de l’entendre, il aura fait œuvre de savant consciencieux autant que d’artiste averti.

Ce qui domine le tableau de la France, tel qu’il nous est mis sous les yeux, c’est un immense désordre, fruit d’une effroyable division et corruption. Hercule descend dans les écuries d’Augias.

Désordre dans l’Etat qu’une faction ne saurait gérer sans le perdre ; désordre dans la fortune publique, car jamais mauvaise politique n’a fait de plus mauvaises finances ; désordre à Paris dont les Goncourt nous avaient déjà dépeint les ruines, hôtels livrés aux marchands de bric-à-brac, et, le long des rues sans lanternes, palais devenus cavernes ; désordre dans les provinces du Midi où, après quelques mois du gouvernement consulaire, « se tordent les tronçons de la dernière insurrection ; » désordre à l’Ouest où, de Bordeaux à Rouen, par la Rochelle, Nantes, Rennes, le Mans, Alençon, la guerre civile va, en se retirant, « laisser, comme un limon infect, un résidu de meurtres et de rapines ; » désordre dans les bourgs où bouillonnent encore l’écume rouge et l’écume blanche, où les survivans du club terrorisent encore les habitans, tandis que les bandits royalistes pillent les alentours ; désordre sur les routes, ces belles routes d’antan, maintenant défoncées, infestées de brigands ; désordre dans l’armée où des mutineries se produisent en bas, où les rivalités entre chefs sont toujours près d’éclater en haut ; désordre dans l’Église où le schisme agite les consciences et angoisse les cœurs ; désordre dans la société, société de parvenus tout à la jouissance, d’agioteurs aux scandaleuses fortunes, de femmes sans retenue, d’hommes sans honneur ; désordre dans la famille ravagée par le divorce, divisée par les querelles publiques, disloquée souvent par l’émigration ; désordre dans les groupes politiques exaspérés, prêts toujours à l’émeute et à l’assassinat.

Le pays est déchiré : luttes politiques, luttes sociales, luttes religieuses ont laissé d’affreux stigmates, et parfois des plaies saignantes. La France est remplie de proscripteurs et de