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Toulouse a entendu demeurer une cité rouge et le club y a fait capituler les autorités ; Bonaparte, indigné de cette faiblesse, fera connaître que, sous son règne, Midi et Nord doivent également s’incliner. Devant un mot fort net du pacificateur au geste impérieux, la Garonne devra reculer et accepter la « paix consulaire ; » et la Loire de même, car la Vendée, cette « grande Vendée » qui, de Bordeaux à la Normandie, a creusé sept ans une plaie purulente au flanc de la République, va rendre les armes. Blancs et bleus devront désarmer devant le grand juge des querelles françaises.

Au fond, un immense parti était prêt à appuyer le pacificateur. Si divisée qu’avait paru la France depuis dix ans, une masse de braves gens, d’ailleurs terrorisée, était restée indifférente aux querelles, et ne se sentait de haine maintenant que contre ceux qui avaient semé la haine. Beaucoup avaient, dix ans auparavant, accueilli avec joie l’abolition du régime féodal : ils en avaient fait gloire à Louis XVI, « leur bon roi » et, comme porte une médaille que j’ai sous les yeux, « restaurateur de la liberté française. » L’espoir de tous ces honnêtes gens était que « le bon roi » s’érigeât en arbitre, abolît les abus, frappât les privilèges, soulageât d’impôts trop lourds le misérable peuple et donnât à la France une constitution qui réglât définitivement toute chose dans un pays depuis trop longtemps sans cohérence. La bonne volonté certes n’avait point manqué à Louis XVI, mais parfois l’intelligence et plus souvent la vigueur. Profitant de sa faiblesse, les partis s’étaient organisés, ils avaient fait tout naturellement œuvre de parti : La Fayette, Mirabeau, Talleyrand, Roland, Brissot, Danton, Robespierre, Tallien, Barras n’avaient jamais été, dans les assemblées qu’ils dominaient ou dans le gouvernement qu’ils géraient, que des chefs de faction. Leur ambition, noble ou basse, avait passé avant les intérêts primordiaux de la paix publique. Plusieurs d’ailleurs avaient payé de l’exil ou de la mort les conflits qu’ils avaient déchaînés. Aucun n’avait prononcé le grand mot que, depuis 1789, le parti des honnêtes gens attendait : « La Révolution est close. Il n’y a ni vainqueurs ni vaincus. Les litiges se vont régler ; l’ère des vengeances est fermée ; la justice seule va régner. Il n’y a plus de partis dans la République. »