maintenant perpétré sous le drapeau fleurdelisé, eût, trente ans auparavant, valu à son auteur une fleur de lis, tout uniment, — mais sur l’épaule, — et muaient en croisade généreuse une entreprise qui, à Paris, avait pour principaux agens des « chevaliers » dont on ne savait s’ils étaient de Malte ou d’industrie, — voire le peu édifiant abbé Ratel et sa maîtresse, la fille Espère, dite Peau de satin, singulière héroïne de la cause des rois.
Bonaparte laissait à Fouché le soin de liquider l’abbé Ratel et sa Peau de satin ; mais il n’avait d’abord voulu s’en rapporter qu’à lui du soin de gagner à la paix politique les chefs de l’Ouest, Bourmont, d’Audigné, plus tard même Cadoudal et l’actif agent Hyde de Neuville. « Venez à mon gouvernement, lui avait-il dit au cours d’une célèbre entrevue, qui nous est ici contée avec un talent évocateur. C’est celui de la jeunesse et de l’esprit. » Homme d’action, Bonaparte admirait la Vendée : les héros se comprennent ; l’ancien protégé de Robespierre s’inclinait devant les ombres illustres déjà des Larochejaquelein, des Lescure et des Cathelineau. Il eût aimé à ne pas combattre, et même à rallier leurs lieutenans survivans. Quelques-uns consentirent à désarmer : la Vendée par là fut pacifiée. D’autres s’acharnèrent à résister, Frotté, Cadoudal, Hyde de Neuville. Contre ceux-là, Bonaparte fut impitoyable. Puisqu’ils troublaient cette paix à laquelle le pays aspirait, il les mit presque hors la loi du pays. Alimentés par l’or anglais, leurs groupemens furent tenus pour « agences anglaises » et sans merci pourchassés. Et Frotté paya de sa vie une trop longue résistance à ce qui était le vœu du pays et le plus ardent désir de son nouveau chef. Bonaparte était un modérateur, mais « un modérateur à poigne. »
Il avait trente ans ; il était ardent, audacieux, insoucieux de la fatigue ; mais ce jeune homme qui avait, à un haut degré, toutes les qualités de son âge, était en outre le plus équilibré des hommes. Ici éclate une fois de plus l’erreur de ceux qui essaient de nous peindre en pied un Napoléon Bonaparte. S’ils le prennent d’Ajaccio à Sainte-Hélène, que de Napoléons divers il leur faudra étudier, et comment arriver à évoquer exactement un homme qui, — M. Vandal nous le montre ici, — n’est même plus tout à fait le même au lendemain de Brumaire et au lendemain de Marengo, après huit mois de pouvoir !