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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/359

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turc qu’il accepterait les services d’officiers européens en Macédoine, on crut volontiers en Europe qu’ils seraient chargés d’empêcher les massacres et d’imposer la paix ; qu’ils joueraient, en somme, un rôle analogue à celui que leurs camarades ont si heureusement rempli en Crète. Telles n’étaient pas cependant leurs fonctions : le gouvernement turc les appelait pour leur demander aide et conseils techniques pour la réorganisation de la gendarmerie ; et à cela s’est, en effet, bornée l’activité du général Degiorgis. L’entreprise était d’ailleurs aussi nécessaire que malaisée : mal payés, mal instruits, indisciplinés, les zaptiés turcs avaient l’habitude de se payer sur le paysan chrétien, si bien que les gendarmes n’étaient ni les moins dangereux, ni les moins féroces des brigands. À ce point de vue, les réformes ont donné un résultat indéniable : deux écoles d’instruction pour les gendarmes ont été créées à Uskub et à Monastir, une troisième, la principale, pour les chefs de poste, à Salonique, sous la direction du major allemand von Allen. Successivement, par fournées, les nouveaux gendarmes, engagés volontaires ou choisis parmi les soldats en activité de service, viennent passer trois mois dans les écoles, si bien qu’aujourd’hui le plus grand nombre y ont fait un stage ; ils y reçoivent une instruction spéciale technique ; ils y apprennent un règlement copié sur celui de la gendarmerie française. Grâce aux efforts des agens civils, des conseillers financiers, et de l’Inspecteur général, les gendarmes ont touché plus régulièrement leur solde, en sorte qu’ils ont été moins tentés de se payer sur l’habitant. Au lieu de les laisser groupés dans les villes, on les a répartis, par petits postes, dans tout le pays, principalement dans les régions visitées par les bandes. Malheureusement la plupart ne savent ni lire ni écrire ; on s’est efforcé de mettre, dans chaque karakol, au moins un gendarme qui ne fût pas complètement illettré et qui pût au besoin rédiger un rapport ou lire un ordre : on n’y a pas toujours réussi. Il a été impossible, peut-être n’est-il pas désirable de réaliser l’article du programme de Mürzsteg qui spécifiait que 20 pour 100 au moins des gendarmes seraient des chrétiens ; les gendarmes chrétiens sont mal vus de la population tant musulmane que chrétienne et les candidats sont peu nombreux. Le recrutement, même parmi les musulmans, est irrégulier, et, à plusieurs reprises, les officiers européens ont dû se plaindre de l’inertie, peut-être même de la