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250 ont poussé jusqu’à San-Francisco où les attiraient des salaires magnifiques. L’année dernière, pour la première fois, un quart environ des émigrans, presque tous originaires des environs de Kesna, ont tenté la fortune à Buenos-Ayres ; trente hommes d’un village des environs de Mon asti r sont à Antofagasta (Chili).

Granite-City est la ville d’élection de ces robustes Macédoniens ; ils y sont près de 23 000, très recherchés pour le travail des mines et des usines ; très sobres, contens d’un morceau de pain et d’un piment rouge, quand il faut à l’Anglo-Saxon de la viande deux fois par jour, ils travaillent douze et quatorze heures par jour pour un salaire très inférieur aux prix courans. Mais, pour ces hommes qui, chez eux, gagnaient péniblement trois ou quatre piastres (environ un franc), que le Turc, l’Albanais ou le Comitadji venait souvent leur ravir, les salaires d’Amérique sont la fortune ; les moins habiles gagnent dix francs par jour ; un quart se font jusqu’à vingt francs. Ils vivent groupés en communautés, dans trois immenses hôtels ; quelques négresses ou Chinoises font la cuisine pour tous ; aussi tout leur argent est-il économisé ; trois banques sont occupées à l’envoyer par chèques aux banques de Salonique. Les hommes partent seuls pour l’Amérique, laissant au pays femmes, vieillards et enfans ; tous reviennent après trois ans environ, rapportant une dizaine, quelquefois une vingtaine de mille francs d’économies. Cette année, pour la première fois, le nombre des revenans a été sensiblement égal à celui des partans. Sur la terre étrangère, ils restent étroitement groupés entre eux ; ils s’américanisent très peu et, de retour au pays, redevenus paysans macédoniens, ils réalisent l’ambition de leur vie : acheter un tchiflik et devenir propriétaires. Il en est résulté, dans les cazas de Florina et de Kastoria, une hausse extraordinaire du prix de la terre. Le bey turc, inquiet du lendemain, effrayé des troubles et des réformes, vend avec plaisir son domaine quand il en trouve un bon prix. Dans les villes, à Monastir notamment, le prix des maisons, des boutiques, augmente dans des proportions inouïes. On citait à Florina, à l’automne dernier, une bicoque qui venait d’être vendue 12 000 francs à un « américain ; » on montrait, à Monastir, des boutiques louées jusqu’à 30 livres turques par an. Le prix des vivres hausse, et, par suite, la culture devient plus rémunératrice : il y a donc intérêt à bien cultiver et l’on commence à remplacer l’antique araire en bois, dont on se servait au temps