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macédonienne est à la fois une question sociale et une question nationale ; pour la résoudre, il faudrait toucher au régime de la propriété et au régime de la souveraineté, c’est-à-dire au tuf même de l’organisation turque en Macédoine. Les mandataires de l’Europe n’ont pas encore montré de telles audaces ; quand ils aborderont ces problèmes vitaux, ne peut-on pas craindre qu’ils ne se trouvent en présence d’une incompatibilité irréductible entre le maintien du régime turc et leurs conceptions occidentales ? L’administration ottomane est comme ces vieilles maisons mal construites : dès qu’on vient à remuer une poutre, il faut tout refaire, parfois après avoir tout jeté bas. Il fallait de toute nécessité commencer par le commencement, donner à la Macédoine un budget et des ressources, condition nécessaire de toute espèce de réforme. Ce résultat, malgré bien des lacunes, est à peu près atteint ; mais n’est-ce pas maintenant que les grandes difficultés vont surgir et qu’il va falloir vraiment se demander quel doit être l’avenir de la Macédoine et quelle solution il convient de préparer ?

En attendant, le sang coule toujours et les massacres continuent. L’ « Organisation » bulgare en Macédoine semble avoir perdu du terrain. ; l’on se vante, à Salonique, d’en connaître tous les fils et l’on ne croit pas à la possibilité d’un nouveau soulèvement ; mais à Sofia, l’opinion est différente. Les chefs des organisations macédoniennes ne contestent pas le recul de l’exarchisme, mais ils l’attribuent uniquement à la pression et aux violences des bandes grecques et sorbes ; quant à eux, s’ils n’agissent pas, ce n’est point qu’ils soient désorganisés ou découragés, c’est qu’ils ont donné pour mot d’ordre de laisser le champ libre à l’Europe et aux réformes ; ils veulent qu’il soit démontré, par une expérience concluante, que tant que le régime turc actuel subsistera, aucune réforme profonde et durable ne saurait être réalisée. Mais, à les entendre, leur organisation est complète et reste très forte. Ce que ces hommes m’ont dit, je ne saurais le répéter ici ; il me suffira de dire que, pour cette année, les mots d’ordre sont pacifiques : pas d’obstacles à l’œuvre des réformes, travail et amélioration de la condition économique et sociale des paysans macédoniens. Mais si les bandes grecques et les bandes serbes se livraient, comme l’année dernière, à des massacres systématiques, si les Turcs continuaient à ne les poursuivre que mollement, tandis qu’ils traquent sans merci les Bulgares, le