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n’avaient jamais vu que leur village des environs de Florina ou de Kastoria, jamais connu que le régime turc, voguent vers la libre Amérique, Si peu qu’ils s’y américanisent, ils en reviennent pourtant avec des idées nouvelles : les générations qui auront connu la vie et les lois des États-Unis et qui en auront rapporté l’aisance, ne pourront plus supporter ni l’oppression turque, ni la tyrannie des Comités, et il y aura vraiment quelque chose de changé en Macédoine.

Reprenons, avant de finir sur ce sujet, et si l’on nous pardonne cette digression, les différentes phases de ce phénomène économique : l’émigration des Macédoniens. Le fait initial, c’est la concurrence que se font entre elles les grandes compagnies de navigation et le besoin qu’elles ont de faire des affaires ; leurs agens, cherchant partout des émigrans, trouvent les paysans macédoniens. Ils partent ; et leur lointain labeur provoque dans leur pays toute une révolution sociale, produisant la hausse des salaires et du prix des terres, expropriant une race au profit d’une autre, plus efficace en ses effets que l’effort de tous les agens de contrôle imposés par l’Europe à la Macédoine. Et là-bas, aux États-Unis, l’arrivée de ces robustes et sobres travailleurs entraîne d’autres conséquences ; elle tend à faire baisser le taux de la main-d’œuvre ; elle rend la vie plus difficile à l’ouvrier anglo-saxon ou allemand : les Bulgares de Macédoine sont un des élémens de cet afflux nouveau de populations orientales, slaves, méditerranéennes, qui peu à peu supplante, aux États-Unis, la vieille race américanisée venue de l’Europe occidentale. Tant sont aujourd’hui complexes les phénomènes économiques, tant sont multiples et inattendues leurs répercussions à travers le monde !


IV

Il nous paraît, en résumé, injuste de dire que l’œuvre des réformes a été stérile. Quand on la considère en elle-même, on est fondé à la juger très importante ; c’est quand on la compare à celle qui reste à accomplir et aux besoins immédiats des populations, qu’on a le droit de l’estimer insuffisante. L’émigration n’apporte encore qu’une solution partielle, locale, incomplète, mais elle a, sur l’œuvre des réformateurs, l’avantage d’atteindre le mal dans ses vraies sources. La question