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reviendrions à notre foi antique ; nous nous lancerions de nouveau à la conquête, et cette fois nous irions jusqu’à Vienne ! » Le mot est caractéristique, et, dans sa première partie au moins, il reflète l’opinion d’un grand nombre de Turcs. Peut-être serait-il donc moins difficile qu’on ne le pense d’amener la Sublime-Porte à certaines concessions décisives ; il serait de son intérêt bien entendu de les faire. Il faut, en tout cas, qu’elle se persuade que, si l’œuvre des réformes vient à échouer et si les troubles continuent à désoler la Macédoine, les pires éventualités seront à redouter. Mais pour que la Porte en demeurât convaincue et qu’elle agît on conséquence, il faudrait d’abord qu’il y eût, parmi les puissances, une sincère unanimité de volonté et une efficace unité d’action.


V

La question macédonienne est européenne, mais avant tout elle est balkanique ; elle intéresse d’abord les États de la péninsule. Au temps du Congrès de Berlin, les convenances des petites puissances pesaient bien peu dans les décisions des plus grandes ; mais la part qu’elles prennent à la politique générale grandit à mesure qu’elles s’émancipent et se fortifient. On sent approcher le moment où le soin de régler les questions balkaniques n’appartiendra plus qu’aux peuples des Balkans. Ce jour serait peut-être arrivé déjà si une entente pouvait s’établir entre ces jeunes nations encore présomptueuses et turbulentes. S’il y avait accord entre elles sur la solution à donner à la question macédonienne, cet accord ne tarderait pas à entraîner celui des grandes puissances dont les ambitions particulières ne réussissent à se faire jour qu’à la faveur des divisions des petits États. C’est pourquoi certains gouvernemens ne se font pas faute de travailler à perpétuer et à envenimer cette mésintelligence. Au lieu d’avoir maintenant à relater un effort unanime de toutes les races et de tous les peuples de la péninsule pour arriver, d’un même élan, à délivrer de la domination turque leurs frères de Macédoine, c’est la triste histoire de leurs discordes qu’il nous faut esquisser. Elle fait partie intégrante de la question macédonienne, puisque c’est à propos de la Macédoine et à cause d’elle que, depuis 1905, deux conflits diplomatiques violens ont mis en présence la Roumanie et la Grèce d’une part, la Grèce et la