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d’où le programme des grandes puissances n’est pas de les chasser, mais, au contraire, de les fortifier en les réformant.


VI

Tant que les petits Etals balkaniques n’auront pas compris l’avantage qu’il y aurait pour eux à faire, à un grand intérêt général, le sacrifice de leurs querelles particulières, c’est des grandes puissances que dépendra, en définitive, l’avenir de la Macédoine. Leur attitude en Orient est déterminée par les conditions générales de leur vie nationale. Les affaires balkaniques subissent le contre-coup des grandes évolutions de la politique européenne et celles-ci, à leur tour, sont souvent influencées par les événemens du Levant. Il est donc impossible de conclure ces Études autrement que par quelques observations sur la politique générale des grandes puissances en fonction de la question d’Orient, dont la question de Macédoine n’est que l’un des aspects actuels.

La doctrine d’intégrité de l’Empire ottoman et de souveraineté du Sultan, que Beaconsfield lit accepter à Bismarck et triompher au Congrès de Berlin, l’Allemagne aujourd’hui l’a faite sienne : elle a assumé le rôle de protectrice et de tutrice de la Turquie ; elle représente, en Orient et dans le monde, la politique conservatrice. Ses intérêts économiques, dans tout l’Empire ottoman, mais plus particulièrement en Asie, se sont rapidement développés grâce aux bonnes relations personnelles de l’Empereur et du Sultan, à l’activité et à la méthode des négocians allemands. L’Allemagne espère faire durer l’Empire turc, le galvaniser, pour se substituer peu à peu à lui, construire ses chemins de fer, exécuter ses travaux publics, drainer son commerce, fournir à ses besoins. Ce n’est point notre sujet aujourd’hui d’étudier l’activité économique allemande, de rechercher les raisons et les limites de ses succès ; il suffit de les constater pour y trouver l’explication de l’attitude du gouvernement de Berlin dans les affaires de Macédoine. Il y apparaît toujours dominé par le souci de sauvegarder, dans leur plénitude, tous les droits du Sultan et l’intégrité de ses Etats, mais préoccupé aussi de maintenir le plus possible sa politique en harmonie avec le concert européen ; il y exerce son ascendant dans le sens d’une politique de réformes très discrètes et très respectueuses de