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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/385

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l’autorité établie : aussi son influence, considérable à Constantinople, est-elle très atténuée en Macédoine. A Salonique, le commerce de l’Allemagne est peu développé ; l’autorité de ses représentans, dans les conseils des réformes, ne l’emporte pas sur celle de leurs collègues ; les populations qui soutirent savent qu’elles ne doivent pas attendre d’elle leur délivrance. Aussi bien ses intérêts sont-ils surtout à Constantinople et en Asie. De la politique d’intégrité, elle espère non seulement tirer des bénéfices matériels sur le terrain économique, mais recueillir aussi ces avantages diplomatiques qui ont toujours été inhérens à la politique d’intégrité et qui permettent, à celui qui s’en fait le champion, de poursuivre, sous le couvert des droits de la Turquie, en Égypte par exemple, certaines revendications que rien n’est encore venu prescrire. Au service d’une politique germanique, l’Allemagne espère ainsi pouvoir disposer de la force turque et de l’influence musulmane.

Tandis que la politique allemande développait les prémisses posées au Congrès de Berlin par Bismarck, la Grande-Bretagne, nous l’avons montré, au nom des mêmes intérêts autrement entendus, se faisait le champion des libertés nationales et adoptait une politique d’intervention, on peut presque dire une politique de dislocation de l’Empire ottoman[1]. Le revirement a d’ailleurs été indépendant des changemens de ministère. Les ministères libéraux se sont montrés, peut-être, partisans plus convaincus et plus zélés de la nouvelle méthode, mais les uns comme les autres, depuis la crise de 1885, l’ont pratiquée ; nous avons vu lord Salisbury s’y plier aussi bien que lord Rosebery ou sir Edouard Grey. L’opinion que l’Angleterre a commis une faute en ne permettant pas de se constituer à la Grande-Bulgarie qui aurait formé une barrière aux ambitions de la Russie comme à celles de l’Allemagne, est aujourd’hui admise par tous les partis. Un délégué de ce Balkan Comittee, que présidait, jusqu’au jour de sa nomination comme ambassadeur à Washington, l’éminent historien James Bryce, parcourait la Macédoine, l’été dernier, et ne cachait pas qu’à son avis le temps était venu de jeter bas la statue de Beaconsfield. La formule de Gladstone, « la Macédoine aux Macédoniens, » est devenue le programme de la politique anglaise. D’ailleurs, entre les deux

  1. Voyez notre article du 15 septembre 1906 : L’Évolution de la Question d’Orient depuis le Congrès de Berlin.