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politiques, la différence est surtout dans les moyens : le but reste le même. Que l’Empire ottoman soit fort, ou qu’il disparaisse : un État faible occupant les rives de la mer Egée, les détroits, les bords du golfe Persique, la Syrie, Tripoli, et gardant un droit de suzeraineté sur l’Egypte, peut, un jour ou l’autre, gêner la politique britannique. Nous avons vu l’action de l’Angleterre dans tes affaires de Macédoine : elle n’est que l’un des aspects d’une politique générale dont les principales raisons d’être sont en Asie et en Afrique[1]. Avec les États balkaniques, avec la Roumanie, avec la Bulgarie surtout, les relations de l’Angleterre sont très amicales ; elle a repris ses relations diplomatiques, l’année dernière, avec la Serbie qu’elle a soutenue dans sa résistance à l’Autriche-Hongrie. Dans toute la péninsule des Balkans, sa politique s’applique à soustraire les petits Etals, et la Macédoine elle-même, à l’influence de Berlin.

Longtemps, dans les Balkans, la Russie a tenu le premier rôle : elle représentait la politique d’affranchissement des nationalités chrétiennes. Ses déboires au Congrès de Berlin n’amoindrirent pas le prestige que lui valaient, parmi les populations balkaniques, ses victoires de 1878 : elle restait la grande puissance slave vers qui se tournaient toutes les espérances. Mais ses démêlés avec la Bulgarie et la Roumanie commencèrent à l’incliner vers une politique conservatrice qui la conduisit au pacte de 1897 par lequel elle se mettait de son plein gré sur le même pied et au même niveau que l’Autriche-Hongrie. À cette association, ce n’est pas la Russie qui a le plus gagné ; occupée en Extrême-Orient, troublée à l’intérieur, elle a abdiqué pour un temps le rang hors de pair qu’elle possédait dans les Balkans ; elle n’est plus que l’une des « deux puissances les plus directement intéressées. » On constate aisément que, dans certaines villes, les consuls d’Autriche-Hongrie ont hérité de l’ascendant qui était naguère le privilège des représentons de la Russie. Une politique de statu quo et de résistance aux vœux des populations slaves ne semble pas devoir être longtemps compatible avec les traditions et les intérêts de l’Empire des Tsars. Aussi l’avons-nous vu peu à peu entraîner son partenaire austro-hongrois à accepter les réformes plus complètes et l’intervention plus efficace proposées par l’Angleterre et la France. Personne n’ignore qu’une entente

  1. Voyez notre article du 1er juillet 1906 : Le Conflit anglo-turc.