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n’envisageant que « les dépenses nécessaires à la construction des navires de son programme. Quand un bâtiment est lancé, ne faut-il pas le faire naviguer, le faire vivre, lui donner le personnel destiné à le manœuvrer ? » Rien n’est plus exact.

Le ministre a pourtant reconnu que les constructions neuves entraîneraient des dépenses de personnel : « La réalisation intégrale du programme voté par le Conseil supérieur, en 1905, nécessitera pour les effectifs de temps de guerre une augmentation en chiffres ronds de 300 officiers et de 16 000 hommes ; et, en temps de paix, de 200 officiers et de 11 000 hommes. »

Au Sénat, M. Thomson s’est montré plus explicite : « Le cadre des officiers n’est plus suffisant. Par conséquent, c’est un cadre nouveau qu’il faudra présenter à bref délai. Je tâcherai d’arriver en même temps à une autre répartition des gracies, de façon à permettre un avancement plus rapide, donnant aux officiers la possibilité d’arriver plus jeunes au commandement. »

Le discours du ministre au Sénat remplit trois pages du Journal Officiel, et de ces trois pages, le personnel officier n’occupe que dix lignes. Ces dix lignes, il est vrai, renferment le précieux aveu que nous enregistrons sur l’insuffisance des effectifs.

Et pendant ce tournoi d’éloquence, le cadre reste immobile, avec pléthore en haut, disette en bas. Cependant, la question n’est pas nouvelle : on connaît cette situation depuis longtemps, les avertissemens abondent. En 1901, M. Fleury-Ravarin, rapporteur du budget de la Marine, écrivait : « Il manque pour les besoins de la mobilisation 175 lieutenans de vaisseau et 250 enseignes. » Soit, au total, 425 officiers subalternes. C’eût été le cas de répéter le mot d’un député, à propos des mécaniciens : « Notre flotte est prête non pour la mobilisation, mais pour l’immobilisation. »

Ceci réclame une attention très sérieuse. D’autant plus que la lenteur de l’avancement, devenue légendaire, aggrave cette insuffisance. A l’ancienneté, les lieutenans de vaisseau restent dix-huit ans dans leur grade et arrivent officiers supérieurs au moment où ils frisent la cinquantaine. État anormal, source de mécontentement et de découragement légitimes.

Le ministre a plusieurs moyens à sa disposition, pour accélérer l’avancement. Certes, il faut agir avec circonspection et toucher d’une main légère à un organisme aussi compliqué, telle modification pouvant produire à la longue des répercussions inattendues. Mais, déjà les bureaux ont étudié sous tous leurs aspects plusieurs mesures