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du ministre. La loi est revenue à la Chambre ; la situation du Midi paraissait s’améliorer, — on a vu plus haut que cette amélioration n’était peut-être qu’apparente ; — le langage de M. le général Picquart n’a plus été tout à fait le même. Il a accepté que la date du 12 juillet redevînt obligatoire pour la totalité de la classe, sauf deux exceptions, l’une relative aux soldats qui font face en ce moment à la révolte du Midi, l’autre concernant les mutins du 17e. A quoi bon toutes ces distinctions ? N’aurait-il pas mieux valu que le ministre revendiquât sa liberté absolue d’agir, à partir du 12 juillet, au mieux des intérêts dont il avait la garde, et qu’il s’en tint là ? On a mis dans la loi une disposition spéciale au 17e de ligne, comme si le ministre avait peur de sa propre responsabilité et voulait y associer celle de la Chambre. Il en est résulté une discussion fort pénible. Est-ce que tout cela regardait la Chambre ? Est-ce qu’elle avait à prononcer une sorte de peine applicable rétrospectivement à des soldats qui avaient commis une faute grave ? Est-ce qu’une disposition de ce genre était bien à sa place dans un texte de loi ? Néanmoins, la Chambre a voté cette disposition, et elle a eu raison de le faire, parce qu’elle ne pouvait pas, dans l’espèce, abandonner le gouvernement, même mal engagé. Mais tout cela est d’une incohérence qui tient plus encore au caractère qu’à l’intelligence. Comment pourrions-nous être rassurés ?

Nous ne le sommes en aucune manière, et nous comprenons le sentiment de ceux qui n’ont pas cru pouvoir donner leur confiance à un ministère aussi inconsistant. De très bons esprits se sont divisés sur la question de savoir s’il fallait voter pour M. Clemenceau qui faisait tête aux prétentions du Midi, ou contre M. Clemenceau qui, pendant son ministère comme avant, a été un des agens de dissolution les plus actifs de notre pays. On pouvait hésiter. N’y a-t-il pas, toutefois, une manifestation imprévue, mais bien expressive de la justice immanente des choses, à voir un vieux révolutionnaire, une fois arrivé au pouvoir, forcé de subir les obligations éternelles qui s’imposent à tous les gouvernemens ? Qui donc a plus démoli, plus détruit, plus désorganisé que lui ? Le voilà ministre, et juste à ce moment l’anarchie qu’il a semée commence à produire ses fruits. Le Midi se soulève, émet des prétentions inadmissibles, emploie pour les faire triompher des procédés intolérables, — et M. Clemenceau sévit. Tout autre l’aurait fait à sa place, mais il était bon que ce fût lui qui le fit : l’exemple, venant d’un autre, aurait été moins significatif. M. Clemenceau envoie des régimens dans le Midi, et il défend i l’armée. Il emploie la police, et il défend la police : il y met même une