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vaisseaux à Kiel, parce que la Russie et plusieurs autres puissances en avaient envoyé de leur côté. Nous avons fait alors comme tout le monde. Mais hier il n’y avait à Kiel que deux vaisseaux japonais : aussi n’y avait-il d’autre ambassadeur que celui du Japon qui y était allé voir ses bateaux, et, croyons-nous, celui des États-Unis, qui y était allé, nous ne savons pourquoi, peut-être aussi pour voir les bateaux japonais. On n’avait pas manifesté le désir que d’autres y fussent : il est donc naturel qu’ils n’y aient pas été.

Si des visites fréquentes de Français en Allemagne et d’Allemands en France pouvaient dissiper les malentendus entre les deux pays, il faudrait les multiplier. Nous avons déploré les incidens qui, depuis trois ans, ont amené entre l’Allemagne et la France une tension que nous voudrions voir disparaître complètement, et nous avons espéré que ce désir se réaliserait lorsque M. le prince de Bülow, dans un de ses derniers discours au Reichstag, a expliqué ce que pouvaient, et ce que dès lors devaient être d’après lui les rapports des deux gouvernemens. M. de Bülow, qui connaît la France pour l’avoir habitée, se rend fort bien compte que la génération qui a vu certains événemens ne peut pas les oublier. Nul ne sait ce que sera l’avenir : il sera sans doute ce que le fera une politique patiente, poursuivie sans précipitation et sans illusions. Quant au présent, s’il ne faut pas le sacrifier aux souvenirs du passé, on ne saurait non plus l’en détacher absolument. Notre champ d’action commune avec l’Allemagne se trouve donc limité par les circonstances ; mais il reste assez grand pour qu’on puisse y faire des opérations profitables. C’est d’ailleurs ce que les deux pays ont fait pendant longtemps, et ils en ont tiré alors un bon parti l’un et l’autre. Dieu nous garde de récriminer, car rien n’est plus stérile ! Peut-être l’Allemagne a-t-elle eu des griefs contre nous, mais elle les a prodigieusement exagérés. Peut-être pourrions-nous en avoir contre elle, mais nous sommes prêts à les mettre de côté. Toute la question est de savoir si on veut nous y aider à Berlin. Une politique qui ne tend pas à la guerre, — et nous sommes convaincus que celle du gouvernement allemand n’y tend pas plus que celle du nôtre, — doit tendre à la paix, c’est-à-dire à la conciliation des intérêts. C’est la seule qui soit pratique : tout autre est une politique de sentiment, ou de ressentiment, et il n’y en a pas de plus dangereuse.

Les difficultés que nous avons eues avec l’Allemagne ont pris naissance au Maroc. On a dit, et cela est peut-être vrai, que le Maroc n’y a été qu’un prétexte ; mais ce point d’histoire n’a plus à nos yeux