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ouvrage terminé en gros et n’ayant plus qu’à subir les interminables corrections, modifications et ajoutemens que les hasards de mes constantes recherches peuvent m’amener. Mais enfin, me voici, sur ma table, le manuscrit de mes trois forts volumes, Histoire généalogique des nations iraniennes, qu’avec l’aide de Dieu je rapporterai en Europe et qui me montrent à moi-même que je n’ai pas perdu mon temps.


Château de Trye, 8 mai 1858.

Monsieur,

En arrivant, j’ai commencé par venir ici pour embrasser ma femme, ma fille Diane et faire connaissance avec ma nouvelle née. Je suis resté quelques jours, puis j’ai été à Paris et j’ai couru chez vous à l’hôtel Bedford. Vous étiez parti, depuis deux jours, ce qui m’a été une mortelle déconvenue, car j’avais un désir extrême de vous embrasser. Allez-vous maintenant rester jusqu’à l’hiver à Tocqueville ? Ne viendrez-vous pas du tout à Paris ? J’en serais on ne peut plus contrarié, car je ne sais ce qui arrivera de moi, et mon séjour ici, à ce que m’a dit le ministre, peut finir d’un moment à l’autre. Je suis ce qu’on appelle à la disposition, c’est-à-dire à solde entière, mais pouvant, dans les vingt-quatre heures, recevoir une destination et un ordre de départ. Je souhaite donc ardemment avoir une espérance plus rapprochée de vous voir que l’hiver, car où serai-je cet hiver ?

J’ai eu un voyage assez dur, et je crois qu’il ne me faudrait pas recommencer. Mais la fatigue ne m’a pris qu’ici. En somme, je suis parfaitement bien portant, et il n’y a pas de mal. Je m’occupe, en attendant une destination, de préparer pour la publication une partie de mes travaux.

Comte A. DE GOBINEAU.


Tocqueville, le 12 mai 18S8.

Je pensais bien que vous étiez revenu, mon cher ami, car j’avais lu dans les journaux anglais et allemands que je reçois qu’un diplomate français, attaché à l’ambassade de Perse, M. Nobineau, venait d’arriver à Marseille. Je vous avais reconnu aisément sous ce travestissement exotique. Je me suis informé de