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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/548

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vous à mon arrivée à Paris. On m’a dit que vous étiez allé voir votre femme et vos enfans ; ce qui m’a semblé assez simple. Il paraît que j’ai quitté Paris deux jours avant que vous revinssiez dans cette ville. J’en suis bien contrarié, car vous pouvez croire que j’aurais eu grand plaisir à vous embrasser, au retour de ces aventures lointaines. Je regrette d’autant plus de vous avoir manqué que je ne puis prévoir exactement quand nous nous joindrons. Je compte revenir à Paris le mois prochain ; mais je me trouve si content d’être revenu chez moi, je suis si heureux au milieu de mes champs, que je recule le plus que je le puis le moment où je dois rentrer dans la grande ville. A la fin de juillet, le chemin de fer de Caen arrive jusqu’à nous. Il se peut que cette circonstance me détermine à remettre à l’automne le voyage que je devais faire dans l’été. Ce qui est certain, c’est que je passerai nécessairement cette année un temps assez long à Paris. Ce séjour est nécessité par le besoin que j’éprouve de faire des recherches nécessaires à la continuation de mon travail que vous appelez, je ne sais pourquoi, une histoire administrative, quoiqu’il s’y trouve moins d’administration que de tout autres choses. Il n’est pas exact non plus, pour le dire en passant, que je m’occupe beaucoup d’agriculture. Mon agriculture consiste en une prairie et quelques moutons. La vérité, c’est que j’ai pris un goût passionné pour la vie que je mène à la campagne, mélange d’activité intellectuelle et de mouvement en plein air. Mon corps et mon esprit s’en trouvent bien, et je crois que je vous paraîtrais mieux portant et surtout plus content que quand nous barbouillions du papier ensemble.

Je vois que, de votre côté, vous continuez à ne pas vous donner tout entier au métier, et que votre esprit ne perd pas la bonne habitude de travailler pour lui-même. Vous êtes toujours le plus grand piocheur que je connaisse, et c’est merveille de voir un homme qui arrive de faire un si grand et si difficile voyage, lequel à son débotté occupe ses loisirs à faire un mémoire sur l’écriture cunéiforme. Le sujet, du reste, est très intéressant. Mais vous êtes trop homme d’esprit pour ne pas savoir qu’en pareille matière un homme qui n’est pas un savant de profession et qui parle à des savans, est tenu à avoir deux fois raison. Je ne doute pas que, sur ce sujet comme sur plusieurs autres, vous ne rapportiez des travaux très curieux de vos pèlerinages diplomatiques. Il me tarde bien de pouvoir causer avec vous