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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/56

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ne sauraient être favorables à la doctrine des droits uniquement fondés sur l’ancienneté. Il ne vous paraîtra pas singulier que je mette à plus haut prix la bienveillance si marquée du département que l’obtention d’une faveur qui, en définitive, arrivera en son temps et qui ne sera que la confirmation de la satisfaction qu’on veut bien me témoigner.

ARTHUR DE GOBINEAU.


Sorrente, le 15 janvier 1851.

Il y a un siècle, mon cher ami, que je veux vous écrire et que je suis empêché de le faire, tantôt par la crainte que ma lettre ne vous trouve plus à Berne, tantôt par la pensée que peut-être ne serez-vous pas revenu dans cette ville quand elle y arrivera. Je crois cependant qu’aujourd’hui je puis vous y écrire à coup sûr.

Je suis fâché qu’on ne vous ait pas donné la croix, mais je suis charmé d’apprendre que vous l’ayez si bien méritée. J’ai voyagé de Toulon à Cività Vecchia avec M. de Clercq, sous-directeur de la direction commerciale. Nous avons causé de vous, comme de raison, et il m’a fait le plus grand éloge et de vous et de vos travaux. J’en ai éprouvé une véritable joie et dans votre intérêt et dans le mien même, car je mets une sorte d’amour-propre à ce que vous vous distinguiez dans la carrière dont j’ai été si heureux de vous ouvrir la porte. J’ai toujours cru que vous possédiez les principales qualités qui y font faire son chemin d’une manière brillante et que si vous parveniez à mettre un peu plus de liant avec les hommes (vous pardonnez cette petite critique à ma sincère amitié), il ne vous manquerait rien. Je conçois que vous désiriez la croix et je la désire pour vous très vivement à cause de votre situation particulière et de votre jeunesse diplomatique. Mais elle ne peut vous manquer. Je voudrais bien être aussi sûr du nom que portera le gouvernement qui vous la donnera. J’ai peine à concevoir les refus réitérés du Président. Etes-vous bien certain que les choses se soient passées comme on les dit ? J’ai toujours trouvé, pour ma part, le Président très bienveillant, je pourrais presque dire très affectueux, et si on lui avait rappelé les rapports qui ont existé entre nous, je doute qu’il eût rayé votre nom avec cette persistance.