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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/561

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rendu (1781), Necker dit que la Ferme avait à ses gages 250 000 employés de tout ordre.

Les fortunes des fermiers généraux ne se faisaient pas de rien. Joseph Prudhomme aurait dit qu’elles étaient faites de « la sueur du peuple. » Il importait de tirer des contribuables le plus d’argent possible, car tout ce qui dépassait, en fin de compte, le chiffre fixé par le bail, était bénéfice personnel. Aussi les fermiers généraux estimaient-ils que « le paysan devait être accablé d’impôts pour être soumis et qu’il fallait appauvrir la noblesse pour la rendre docile (marquis d’Argenson). »

Le rôle du contrôleur général des Finances eût été de défendre les intérêts de l’Etat, c’est-à-dire du public, contre les fermiers généraux ; mais ceux-ci, à chaque renouvellement de bail, lui faisaient accepter un pot-de-vin de 300 000 francs. Les autres ministres étaient gratifiés de cadeaux divers, dont le total se montait, bon an, mal an, à 200 000 francs. Enfin, par une multitude de croupes et de pensions, nos financiers s’attachaient toutes les personnes influentes à la Cour, depuis le Roi lui-même, jusqu’aux favorites, jusqu’aux huissiers du palais et aux danseuses aimées des courtisans.

La classe de financiers, dans laquelle se recrutaient les fermiers généraux, forma, au moins jusqu’à la seconde moitié du XVIIe siècle, une singulière catégorie d’individus, types qui ne se retrouvent plus que rarement aujourd’hui. Héritière des idées du moyen âge, la société de l’ancien régime repoussa pendant longtemps et méprisa les financiers. Un « honnête homme » ne se faisait pas « publicain. » Il en résulta que les premiers spéculateurs du XVIIIe siècle furent de vrais aventuriers : des condottières de l’argent. Turcaret est leur copie fidèle.

Le fermier général Bragouze avait été garçon barbier. Il avait épousé une blanchisseuse, de qui le propre laquais disait :

— C’est une blanchisseuse de fin linge qui est tombée sans se blesser d’un quatrième étage dans un carrosse.

Après s’être ruiné, Bragouze se sauva en Suisse :


Des sabots à ses pieds, en justaucorps de bure,
Et remis en un mot en la triste figure
Où jadis il parut quand il était venu.


Perrinet de Jars avait été marchand de vin ; Darius marchand de draps, de même que Lemonnier, qui avait épousé une