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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/563

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telles que la Reine n’en a point, dit un nouvelliste. Les mines de Golconde sont épuisées pour elles. L’or germe sous leurs pas et les arts à l’envi font de leur habitation un palais enchanté. »

Dans un livre qui eut beaucoup de retentissement, l’avocat Darigrand écrit en 1763 : « Est-il possible que l’on voie tranquillement toutes les plus grandes maisons soutenues par l’or des financiers, les seules maisons riches être les maisons des financiers, alliées aux financiers ou d’origine financière ? »

On leur reprochait d’abuser de leur situation dans l’Etat, de commander au monarque, d’obliger les pouvoirs publics à faire des lois à leur mesure. « Comme celui qui a l’argent, dit Montesquieu, est toujours le maître de l’autre, le traitant se rend despotique sur le prince même ; il n’est pas législateur, mais il le force à donner des lois. »

D’ailleurs, comment les fermiers généraux pouvaient-ils être aussi riches ? On allait d’instinct à l’explication la plus simple. « Il y a dans Persépolis, dit encore Montesquieu, quarante rois plébéiens qui tiennent à bail l’Empire des Perses et qui en rendent quelque chose au monarque. »

Duclos raconte : « Pendant le séjour de M. d’Alembert à Ferney, où était M. Huber, on proposa de faire, chacun à son tour, un conte de voleur. M. Huber fit le sien qu’on trouva fort gai ; M. d’Alembert en fit un autre qui ne l’était pas moins. Quand le tour de M. de Voltaire fut venu :

« — Messieurs, leur dit-il, il était une fois un fermier général… ma foi, j’ai oublié le reste ! »

Plus encore que les sommes mêmes, prises par les fermiers généraux dans la bourse des contribuables, la manière dont ces sommes étaient perçues soulevait d’unanimes protestations. Malesherbes, président de la Cour des aides, en fait la remarque à Louis XVI.

Les chiffres des droits que les fermiers avaient à prélever n’étaient fixés nulle part. Ils variaient à l’infini, selon les lieux et les personnes. Les employés des fermiers, receveurs, commis et préposés des octrois, levaient ces impôts suivant leur bon plaisir. Nulle règle précise, et, en cas d’abus, nul recours pratiquement possible contre eux. Dans les bureaux mêmes des percepteurs, les tarifs n’étaient pas exposés, « ou bien l’on trouve une vieille