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sont immenses et d’un vert cru, et partout, dans les prés, dans les bois, entre les vergnes, les chênes et les bouleaux, court le Glier, le ruisseau des écrevisses. A part la Grand’rue, qui va de la porte Varanin à la porte de Bressieux, tout encombrée de cultivateurs, ce sont de petites ruelles, qui montent et descendent, pavées, glissantes, qui conduisent au vieux temple protestant, la « maison du schisme, » au vieux château pointu, au très ancien clocher qui branle. Et le reste du bourg s’éparpille sur le coteau boisé, au long des chemins creusés entre les touffes d’arbres et les pièces de vigne, — les chemins étroits qui serpentent, les vioulets, comme on les nomme au pays, ou bien aussi les « caminots. »

C’est là que naquit Louis Mandrin, le 11 février 1725. Son père, François-Antoine Mandrin, marchand de la ville, avait épousé Marguerite Veyron-Churlet, qui appartenait à l’une des meilleures familles du pays. Louis était leur premier enfant. Il fut baptisé le même jour, son oncle maternel, Louis Veyron-Churlet, et sa tante paternelle, demoiselle Anne Mandrin, lui servant de parrain et de marraine.

La famille de François-Antoine Mandrin était de vieille bourgeoisie, originaire de Mours, mandement de Peyrins, aujourd’hui département de la Drôme, où l’on trouve des Mandrin dès le XIVe siècle. Ils essaimèrent au XVe siècle, à Brézins, puis à Bressieux, d’où Moïse Mandrin, trisaïeul du contrebandier, vint s’établir, en 1617, à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs.

Le père de notre héros, François-Antoine Mandrin, second fils de Pierre-Maurice, était né en 1699. Il exerçait le métier de « négociant-marchand. » Il était en même temps maquignon, comme la plupart des propriétaires en Dauphiné à cette époque. Par suite des partages entre les enfans, le patrimoine légué par Pierre-Maurice se trouva réduit entre les mains de chacun d’eux, et, bien que François-Antoine jouît encore d’une honnête aisance, il n’avait plus la fortune de ses devanciers.

La maison où il demeurait, et où naquirent ses enfans, s’élevait au centre du bourg, à l’angle du chemin de la porte Varanin à la porte de Bressieux et du chemin de la porte Neuve à la porte de Saint-Geoirs, voisine du marché dont elle n’était séparée que par la largeur du chemin de la porte Varanin.

Cette demeure, que Mandrin le contrebandier a habitée jusqu’aux trois dernières années de sa vie, est restée intacte