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jour, le 25 juillet 1735. Il y eut un vrai combat. Les gâpians furent battus, laissant sur le terrain deux morts et un blessé ; et Bélissard, à la tête de ses huit ou neuf camarades, revint en Savoie, ramenant triomphalement Légat le Frisé. Le retentissement que cet audacieux coup de main eut en Savoie et en Dauphiné, et plus particulièrement l’influence qu’il exerça sur l’esprit de Mandrin, sont indiqués par les contemporains.

Louis Mandrin se fit donc admettre dans la bande de Jean Bélissard ; mais il n’y était pas depuis quelques mois qu’il en devenait le chef.

Il avait naturellement le don du commandement et naturellement on lui obéissait. Un correspondant de la Gazette de Hollande, qui le voit en Savoie, fait alors de lui ce portrait : « Il est assez beau de visage, grand, bien fait, fort robuste et agile. À ces qualités il joint un esprit vif et pénétrant, des manières aisées et polies. Il est prompt à venger une offense. Il est d’une hardiesse et d’une intrépidité à toute épreuve, d’un sang-froid et d’une présence d’esprit admirables dans le danger. Patient et laborieux à l’excès, son courage lui fait tout entreprendre, tout supporter, pour satisfaire son ambition. »

Mandrin entrait dans la contrebande au moment où celle-ci, par les circonstances que l’on a vues, devait prendre le plus d’extension. Et voici qu’elle trouve le chef qui lui était nécessaire.

En Savoie, — qui était alors terre étrangère, — Mandrin organise ses hommes. Il réussit à leur faire comprendre que l’ordre et la discipline sont indispensables dans leur métier. C’est à la tête d’une véritable petite armée qu’il tombe en France, du haut du massif de la Chartreuse, comme un coup de vent, le 5 janvier 1754.


III. — LES PREMIERS EXPLOITS DE MANDRIN

Avant d’entamer le récit des campagnes de Louis Mandrin, disons quelques mots sur les us et coutumes de sa bande.

Les contrebandiers français du XVIIIe siècle étaient organisés de la même façon que leurs illustres cousins, les grands flibustiers du Nouveau Monde, qui, sous Louis XIV, avaient failli donner l’Amérique à la France ; non qu’ils leur eussent fait des emprunts : de part et d’autre, des conditions semblables avaient