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et M. Demeny, qui avait été le premier à travailler la question et à la résoudre, au moins en partie, aurait vu ses peines entièrement perdues, s’il n’avait fini par s’arranger avec la maison L. Gaumont, à laquelle, depuis 1901, il a cédé tous ses droits.

Et encore aurait-il tort de se plaindre ! Lorsque, en 1850, Brewster, qui venait d’inventer le stéréoscope à réfraction, voulut, pour lancer son appareil, le présenter, sous les auspices de l’abbé Moigno, aux membres de notre Académie des sciences, Arago, à qui les deux savans firent leur première visite, n’y vit rien d’extraordinaire, et cela se conçoit aisément : il était atteint de diplopie. Savart avait un œil à moitié perdu, Becquerel était borgne, Pouillet atteint de strabisme. Biot avait bien, paraît-il, les deux yeux sains, mais il déclarait obstinément ne rien voir. C’était désespérant de trouver la section de Physique, à l’Académie des Sciences, dans un tel état, et Moigno ne savait à quel saint se vouer, lorsqu’il eut la chance de découvrir, dans la section de Chimie, un homme qui voyait clair physiologiquement, et encore plus clair moralement : Regnault. Dès lors, patronnée par un tel maître, l’invention put suivre son cours et, en quelques mois, le nom de Brewster devint populaire. Quant au véritable inventeur du stéréoscope, l’illustre Wheatstone, personne, à ce moment, ne s’avisa de songer à lui.

Nos contemporains, eux, ont su rendre, sans retard, à MM. Demeny et Lumière, comme à M. Marey, l’hommage qui leur était dû. Peut-être même, ainsi que le fait observer M. G. M. Coissac, ont-ils eu le tort d’un peu trop oublier que l’idée de la représentation du mouvement avait hanté les anciens comme les modernes, et trouvé même un commencement de réalisation ; seulement, au lieu de représenter l’objet lui-même, on se contentait, et pour cause, de représenter son ombre. C’est, d’ailleurs, par la représentation de l’ombre qu’a débuté la photographie.

Les Chinois ont pratiqué cette représentation au point de lui donner leur nom, et quand, vers le milieu du XVIIIe siècle, les ombres chinoises arrivèrent en Europe, en Allemagne tout d’abord, il y avait déjà des centaines d’années que ce genre de spectacle était en honneur dans toute l’Asie. Les peuples jaunes, par suite de leur mentalité spéciale qui les entraîne, — leur écriture en est une preuve, — vers la représentation du monde