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extérieur par l’image et non par le son, raffolent des ombres. Les Turcs et les Arabes, eux aussi, sont également très friands de ce spectacle : le fameux Karagueuz, le Guignol musulman, n’est qu’un théâtre de ce genre, assez rudimentaire du reste.

Importée d’Allemagne en France en 1772, l’ombre fit ses débuts à Versailles : le célèbre Séraphin eut l’idée de produire, devant le public de choix qui s’agitait autour de la cour, une série de petites pièces qu’il avait depuis longtemps coutume de représenter avec grand succès dans l’intimité. Elles furent accueillies avec tant de faveur qu’en 1784 il jugea à propos de s’installer à Paris même, au Palais-Royal. Lorsqu’en 1859 sa petite-nièce, qui dirigeait l’établissement, le transporta passage Jouffroy, elle abandonna définitivement l’ombre pour la marionnette proprement dite. L’ombre subit alors une longue éclipse ; cependant, il serait injuste de ne pas rappeler la tentative faite au Châtelet, en 1874, dans les Pilules du Diable avec des ombres naturelles, obtenues en faisant promener les acteurs derrière un écran qui occupait toute la surface de la scène et que l’on éclairait fortement avec un foyer placé au niveau du sol, les dimensions et les contours des ombres variant suivant que les acteurs se rapprochaient ou s’éloignaient de la toile. Mais, vers 1884, le théâtre d’ombres reparut, d’abord, au cercle des « Camaros, » à Asnières, puis au Chat-Noir. Des artistes de premier ordre, tels que MM. Lemot, Caran d’Ache, Forain, Rivière et Robida, ne dédaignèrent pas de dessiner et de découper eux-mêmes des silhouettes et s’ingénièrent à trouver des combinaisons inédites ; c’est M. Rivière qui, un soir, réussit à faire passer un groupe de personnages, non plus à la queue-leu-leu, mais en perspective : l’ombre moderne était inventée et la représentation de l’Épopée devenait possible (1886). La Tentation de saint Antoine montra, ensuite, qu’on pouvait faire défiler, toujours en perspective, les personnages les plus variés dans des forêts, sous des portiques, etc., et, en janvier 1890, le Chat-Noir remportait le plus grand et le plus fructueux de ses succès avec la Marche à l’Étoile.

Mais revenons à notre sujet.

En quoi consiste, à l’heure actuelle, un cinématographe ?

D’abord, à la partie supérieure de l’appareil, qu’un bâti solide de fonte ou de cuivre doit rendre inébranlable, se trouve une bobine très légère, parfaitement mobile, sur laquelle est enroulée