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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/629

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dangers auxquels elle est exposée et finit souvent par succomber, sans qu’on puisse vraiment le lui reprocher avec justice. Mais le mensonge est plus aimable que la vérité, et l’on aime mieux croire ce que chacun raconte que de s’instruire en lisant les saisissantes études de MM. d’Haussonville, Charles Benoist, Paul Leroy-Beaulieu, Max Turmann. Il n’est pas facile pour une femme de travailler, et il n’est pas facile à la femme qui travaille de vivre de son travail. Le nombre de femmes qui travaillent est très élevé, — 33 pour 100 de la population totale féminine. C’est là ce qui rend si rares les emplois convenables, et fait que beaucoup de femmes sont obligées d’accepter dans les mines, dans les carrières, dans les terrassemens, dans les usines, les besognes les plus dures. De plus, le travail de la femme n’est jamais assimilé à celui de l’homme, et par suite son salaire, toujours considéré comme un salaire d’appoint, parce qu’on pense qu’elle est toujours logée et nourrie par une famille, un mari ou un amant, reste très inférieur à celui de l’homme. Une fleuriste de grande fleur gagne par jour de 3 fr. 25 à 3 fr. 50 ; une fleuriste de petite fleur, de 112 fr. 50 à 150 francs, pour les cent cinquante jours de la saison, Une plumassière en autruche peut gagner, dans l’année, de 825 à 900 francs ; une plumassière en fantaisie, de 745 à 820 francs ; une ouvrière en couronne, 440 francs ; une ouvrière en métal, la brunisseuse, de 1 à 4 francs par jour selon qu’elle travaille pour une bonne ou une mauvaise maison, et son gain ne dépassera jamais 1 000 ou 1 200 francs. M. Charles Benoist, qui a étudié l’existence des ouvrières de l’aiguille, les plus nombreuses de Paris, a établi, d’après leurs réponses mêmes, leurs budgets. Une chemisière, qui travaille trois cents jours à 2 francs la journée, gagne 600 francs : son budget de dépenses atteint 599 fr. 50, dont 328 fr. 50 sont absorbés par la nourriture, et 160 francs par le loyer : on voit ce qu’il reste pour les vêtemens, le linge… et le superflu, chose si nécessaire. Une ouvrière, — une petite main, ce qui est dans la hiérarchie de la couture tout de suite au-dessus de l’apprentie, — gagne 1 fr. 25 par jour, soit 375 francs par an. Elle a de seize à dix-huit ans : son budget, si elle était seule, la forcerait à ne dépenser que 0 fr. 65 par jour pour sa nourriture et à n’avoir dans l’année qu’une robe à 5 francs, deux chemises à 1 fr. 75, deux mouchoirs à 0 fr. 40 et deux paires de bas à 0 fr. 65.

Voilà ce que gagnent ces « petites fées, » et elles ne sont