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élèves des instituteurs qui sont le plus reconnaissans envers la France. Or, il est très important que les artisans, éparpillés par leurs professions dans les provinces, soient maintenus dans un sentiment d’émulation à la civilisation et de quiète docilité à l’Etat. Le journal officiel Vao-Vao, imprimé en langue malgache, intéresse les contribuables aux affaires du gouvernement, dont ils sont d’ailleurs assez curieux, mais il n’y a point de presse destinée à les franciser. Gardant des relations avec l’Enseignement, les artisans trouvent dans ses deux excellens périodiques L’École franco-malgache, et le Ny Mpitari Dalana, toutes les chroniques et notices documentaires sur la sériciculture, l’arpentage, la fonderie, l’hygiène, nécessaires à renouveler leurs connaissances, avec des variétés amusantes et des lectures d’un sentiment patriotique, aimable et familier.


III. — L’ESPRIT UTILITAIRE DE L’ENSEIGNEMENT CIVILISATEUR : PERSONNEL ET PROGRAMMES

L’enseignement professionnel tient donc la place capitale ; on y initie déjà les futurs instituteurs pour arriver à en pénétrer plus tard tout l’enseignement jusque dans les écoles primaires. L’idéal, très net dans l’esprit de certains, est que Madagascar devienne tout entier une vaste école professionnelle, modèle d’institution coloniale que ne sauront assez nous envier les Anglais et les Allemands, ce dont on n’est pas sans se préoccuper. Et cette méthode de colonisation par l’école doit apparaître éminemment rationnelle aux pédagogues, puisqu’il est entendu que les Malgaches sont paresseux et incapables d’initiative. Il est certain qu’il faut qu’ils travaillent pour payer l’impôt, et qu’ils ne travailleront pas d’eux-mêmes, et que c’est dès l’enfance qu’il faut leur donner l’impulsion : là est la pensée, maîtresse du régime. Il reste à savoir si ce procédé de mécanisme et de suggestion officielle ne se révélera pas à l’usage aussi dangereux que le magnétisme sur lequel on avait, un moment, tant compté pour l’éducation des enfans paresseux, et s’il n’épuisera pas assez rapidement les races indigènes en leur faisant rendre trop vite tout ce qu’elles sont susceptibles de donner. Il serait au contraire plus sage de restreindre l’enseignement professionnel à une élite dont l’existence et le développement normal stimuleraient peu à peu le reste des indigènes et leur laisseraient désirer l’instruction au