lieu de la leur imposer ; il s’agit à Madagascar de races anémiées au sein desquelles il faut ménager une large réserve d’inactivité et d’ignorance : ainsi les Malgaches sont débilités au point qu’il serait dangereux de les soumettre aux exercices physiques, ce que les Anglais eux-mêmes avaient très bien compris en n’y donnant aucune part dans leurs établissemens ; à plus forte raison faut-il prendre garde de les fatiguer tous intellectuellement.
Mais il est peu probable qu’on s’arrête maintenant en aussi beau chemin. Les écoles régionales forment des instituteurs pour qui il faudra bien créer sans cesse de nouvelles écoles. Et s’il est indispensable, quoi qu’en pensent les colons, de répandre l’instruction à Madagascar, avec lenteur et progression méthodique, encore convient-il que ce soit vraiment de l’instruction qu’on répande, et il ne nous semble pas qu’un enseignement sérieux puisse être plus heureusement confié à des instituteurs malgaches que l’administration à des gouverneurs malgaches. Certes les premiers sont de beaucoup supérieurs aux seconds, et il y a moins lieu dans leur service de se laisser aller aux exactions, encore que certains aient l’esprit assez inventif pour vendre les pantalons de leurs élèves ou se faire payer par les parens afin que leurs enfans restent chez eux. D’autre part, l’état des finances de la Grande Ile ne permet point de demander plus d’instituteurs européens qu’il n’y en a, et il vaut mieux qu’un certain nombre de petits Malgaches apprennent à lire avec d’anciens élèves des Ecoles régionales plutôt que de vagabonder. Le malheur est qu’ils n’apprennent pas à lire, car on veut trop leur enseigner. Les programmes restent beaucoup trop lourds, non peut-être pour l’intelligence d’un bon nombre d’enfans malgaches pris à l’âge où ils fréquentent l’école, mais, si l’on peut dire, pour l’intelligence collective de la race. Nous nous expliquons : un petit noir de la Réunion peut impunément absorber les grammaires et les arithmétiques, parce qu’en sortant de classe il rentre dans un milieu civilisé, régi par les mêmes conditions de concurrence vitale qu’en Europe, où ses capacités trouveront assez aisément à s’adapter aux besoins de la société et aux connaissances de ceux qu’il fréquentera, tour à tour plus ou moins instruits que lui : il utilisera ce qu’il a retenu et, au contact du monde, il comprendra ensuite ce qu’il a seulement d’abord appris par cœur, nous en avons maints exemples : les bribes d’enseignement s’agrègent et s’harmonisent alors dans