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former des élèves parmi lesquels on puisse recruter un ou deux lauréats pour les écoles régionales.

Les écoles de campagne, vu leurs programmes, ne sont guère utiles qu’à ceux qu’on destine aux écoles régionales, particulièrement afin qu’ils y deviennent instituteurs malgaches, ce qui est un cercle vicieux ; et il faut bien en convenir, le personnel supérieur se satisfait un peu trop exclusivement de ce looping-the-loop où il fait briller toute son habileté. En revanche, on relève dans ces programmes une part très sage de notions sur l’agriculture, les légumes, les vers à soie ou le chemin de fer et autres leçons de choses, et les écoliers gagneraient beaucoup si on y limitait les leçons qu’on leur donne ; pour l’hygiène, l’on a rédigé aux divers degrés de l’enseignement des notices simples et utiles, et elle est l’objet d’une attention suivie dans les villages scolaires construits auprès des principaux établissemens.

Réciproquement, les écoles régionales, écoles du second degré qui devraient constituer de préférence une sorte d’enseignement secondaire pour les indigènes appelés à l’avenir le plus divers, sont trop exclusivement destinées à former des instituteurs. De là, par exemple, l’importance qu’on y donne à l’analyse grammaticale et à l’analyse logique : nous avons vu des jeunes gens répondre avec une rare perfection mnémotechnique aux questions de décomposition que leur adressait le maître, mais quelles figures émaciées, quels yeux voilés, quels fronts pâles, déjà ridés et suans, épuisés par l’effort continu d’abstraction auquel la race est si rebelle ! ils sortent de l’école stylés à souhait et incapables de scruter avec intelligence les dispositions des enfans qui leur sont confiés. On les charge notamment de leur apprendre les fables de La Fontaine traduites par Basilide Rahidy. On les initie à cette tâche en leur faisant commenter à eux-mêmes la troisième année de Méthode de lecture et de langage de Machuel, livre spécialement composé pour les Arabes de Tunisie et que sa réputation universelle a imposé dans toutes les écoles des colonies : il eût mieux valu qu’on leur mît franchement La Fontaine entre les mains, puisqu’on retrouve dans les dialogues pédantesques de bêtes de Machuel ce que les Rousseau et les Lamartine ont reproché au fabuliste, et qu’il y manque son esprit enjoué, son naturel et celle naïveté charmante qui, à défaut des finesses du métier, touchent même les enfans qui ne comprennent pas analytiquement le texte.