Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/677

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La première chose à réaliser à Madagascar, comme dans nos autres colonies, est un livre de lectures, non seulement pour l’écolier, mais pour l’enfant malgache, et M. Deschamps, qui aime les enfans, y excellerait. Celui qu’a composé d’office le commandant Dubois, pour être distribué à 30 000 exemplaires, est plutôt indigeste, émaillé de citations de Moltke et de Pariset, s’il est vrai qu’il a été écrit avec un sens très juste et mesuré de l’esprit général de francisation dont l’enseignement à Madagascar doit être imprégné pour faire œuvre durable et utile aux indigènes.

L’impropriété des livres classiques et la surcharge des programmes sont choses d’autant plus graves, que les enfans sont encore appelés à un âge trop tendre aux écoles. Les instituteurs ont remarqué que l’éclosion de leur esprit ne se produisait guère qu’entre quatorze et seize ans, mais ce dernier âge est celui où le Malgache commence à être astreint à l’impôt, et il reste donc une limite pour les études. Les protestans ont réclamé contre les mesures qui fixaient rigoureusement un terme au-dessus duquel les enfans devaient sortir des écoles de village et pouvaient entrer seulement dans les écoles supérieures. L’Etat, alors, désigne ceux qui auront le privilège d’y être admis, il fait la sélection de l’élite, de sa propre et seule autorité, ce qui a été assez vivement critiqué. En réalité, quelque danger qu’il y ait à confier exclusivement à des fonctionnaires la détermination d’une élite, on ne peut refuser à l’Etat de choisir ses futurs instituteurs ; le mal est que tout renseignement, méthodes et service, soit subordonné à ce choix, à la composition d’un corps d’instituteurs. On a vu que c’était ce qui faisait grever les programmes généraux ; les missionnaires protestans signalent un autre inconvénient : l’Etat, trop utilitaire et visant uniquement à former des maîtres qui auront à ressasser des leçons de choses, d’histoire et de géographie, ou de mathématiques, ne donne à cette élite aucune direction morale.

Mais ceux-là mêmes qui incriminent cette « interdiction d’un enseignement un peu général pour une élite malgache » et voudraient qu’on leur confiât le soin « d’essayer des méthodes d’éducation de la réflexion, » ont fait par ailleurs une psychologie exacte des enfans malgaches, d’où il ressort que, trop sages, ils ne savent même pas écouter, mais seulement entendre. Ils ne sauraient donc, de sitôt, « réfléchir, » et ce serait perdre du temps que vouloir leur créer du caractère par une « pédagogie