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cerveaux malgaches à ceux des Gaulois, et tous les instituteurs ont reconnu que les Malgaches n’étaient point à proprement parler des « cerveaux ; » ils n’assimilent pas, ils imitent ; si les Gaulois et les Germains ont transformé le latin, c’est qu’ils « assimilaient, » et ils l’ont transformé à des époques où l’Italie était devenue inférieure à la Gaule et à la France pour y exprimer des idées et des croyances nouvelles. Il n’y a pas à craindre que de sitôt « la mentalité malgache, » éminemment servile, modifie la langue française, d’autant qu’elle n’obéit nullement à une longue impulsion personnelle : le fait brutal de la conquête a complètement distrait le Malgache de la voie qu’il suivait depuis plusieurs siècles, voie qui était à peine une piste, siècles peu nombreux dont les Malgaches n’avaient point la conscience.

A la tête de l’enseignement de notre colonie, M. Deschamps représente l’esprit français nouveau, généreux mais indéterminé, instruit richement, mais sans assez de cohésion : c’est un de ces fils de la Révolution qui n’en ont gardé que la sensibilité humanitaire sans la volonté dont étaient fortement soutenus les conventionnels de faire participer l’énergie et la mentalité françaises à l’élaboration de l’avenir, chez qui, en un mot, le rationalisme n’est plus en équilibre avec la sensibilité et le patriotisme instinctif avec l’humanisme intellectuel. Il se laisse dominer par une sentimentalité charmante, le respect de la vie sous toutes ses formes spontanées, l’intelligence précieuse de la poésie malgache : il la goûte en artiste, il écoute chanter à son oreille les terminaisons mélodieuses de la langue indigène, il regrette qu’elle puisse disparaître, que puisse mourir cet « être » si original, comme Mistral pleure la langue provençale ; il a peur que, pour le bénéfice des marchands et des députés, nous ne voulions habiller en vestons de coutil français le Betsimisare des forêts sauvages et aromatiques, pacifique exploiteur d’abeilles, qui l’a étonné dans les bois par sa douceur d’Aristée austral et son hospitalité. Bien qu’il se soit gardé d’exprimer dans ses Rapports autant que dans ses causeries le fond essentiel de son sentiment, il y trahit parfois son désir : « Sans doute, dit-il, il y aura rapprochement entre les deux peuples (français et malgache), mais ce ne sera pas seulement l’indigène qui se rapprochera du blanc ; vivant parmi les indigènes, le blanc subira comme eux l’influence du milieu qui a contribué à le former. Il pourra naître des civilisations métisses, eu quelque sorte