perfectionnement sera la preuve des progrès de l’intelligence malgache, en même temps qu’un des moyens de les déterminer. » Or, on peut voir dès maintenant comment elle s’enrichit : par de nombreux mots et tournures français qui s’y incorporent, aussi peu harmonieusement que les phrases métaphysiques des missionnaires anglais, et celles-ci, selon le mot de M. Gautier dans son étude spéciale sur les dialectes malgaches, « y font l’effet de corps enkystés dans un organisme. » De cette façon, se forme donc un sabir. Or, ce que redoutent le plus M. Deschamps et ses émules dans l’expansion du français chez des peuples incapables de le parler dans sa délicatesse, c’est qu’elle aboutisse fatalement à la création d’un petit-nègre. Cela est inévitable. Mais le sabir, constitué par l’introduction de mots et de tournures français dans un malgache conservé avec soin, persistera, se cristallisera et prendra l’importance d’une langue littéraire comme le gnoc-ngu, patois bâtard, gâché par les Portugais en Annam, y est devenu la langue littéraire officielle, objet du culte de nos pédagogues ; au contraire, le petit-nègre se rapproche de plus en plus du français à mesure que les noirs évoluent, comme on l’a vu dans nos vieilles colonies où il a aidé à la propagation de notre langue et de nos idées sans les corrompre, acheminant les noirs à parler un français pur.
En soi-même, le malgache qu’on veut protéger dans son intégrité comme exprimant avec exactitude l’âme de la race et du pays, contient un nombre considérable de barbarismes dont on goûtera ces exemples plaisans : le duvin pour signifier le vin, la lalimoara pour l’armoire, la latabatra pour la table. En outre, ce n’est pas une langue naturelle mais artificielle qu’on intronise dans les écoles, car, pour compléter le lexique, on a dû emprunter aux vieux textes administratifs des archives des termes et formes tombés en désuétude, et on l’a enrichi de vocables archaïques glanés dans le folklore. Or, l’idiome populaire a évolué considérablement depuis trente ans. Celui qu’on enseigne est donc en même temps une langue restaurée et une langue qui