préparant la publication presque simultanée de ces trois recueils, le maître si prématurément disparu ait voulu nous laisser comme une dernière image du philosophe religieux et du moraliste, de l’orateur et de l’apologiste, du critique et de l’historien littéraire qu’il a été, — et voulu être.
Le volume des Questions actuelles s’ouvre, comme il était naturel, par le fameux article, par l’article historique Après une visite au Vatican. Quand, il y a douze ans de cela, l’article parut ici même, on sait tout le bruit qu’il excita, toutes les clameurs qu’il provoqua, tous les Ilots d’encre, — et de mauvaise encre, — qu’il fit couler. On y vit toute sorte de choses qui n’y étaient pas, et certaines autres choses qui y étaient exprimées en propres termes, on se garda bien de les voir. On s’empressa de « débaptiser » l’article, et de lui donner pour titre la retentissante formule, — « la Banqueroute de la Science, » — que l’auteur n’avait rappelée, — elle n’était pas de lui, — que pour la repousser formellement aussitôt[1]. C’était se méprendre entièrement sur la pensée de Ferdinand Brunetière. A relire froidement aujourd’hui ces pages, loin du bruit des polémiques qu’elles ont jadis soulevées, on ne peut s’empêcher de donner pleinement raison à l’écrivain, quand on le voit, dans la Préface de ses Questions actuelles, définir une dernière fois sa thèse et la développer en ces termes :
La science et la religion ne répondant pas au même objet, — et je laisse ici de côté la question de leur origine, — ni ne tendant au même but, ne sauraient avoir entre elles de « commune mesure : » il n’y a lieu ni de les « opposer, » ni de les « réconcilier ; » et j’irai plus loin : je dirai qu’il faut craindre que toute intention, de les « comparer » ou de les « confronter » ne les dénature.
Cela ne veut pas du tout dire, comme on a feint de le croire, pour les besoins d’une polémique facile, et comme je vois que quelques journalistes le croient encore, que la science « ait fait banqueroute : » qu’on en méconnaisse la grandeur ni les progrès : et que le chrétien doive être en défiance d’elle et de ses enseignemens. La science est souveraine en son domaine, comme la religion dans le sien. Mais cela veut dire : que l’étendue de ce domaine, si vaste qu’il soit, ou qu’on le suppose dans l’avenir, n’égale pas
- ↑ Quelques mois après la publication dans la Revue, l’article reparut en brochure avec une Préface, de nombreuses notes et des appendices à ta librairie Firmin-Didol, sous le titre la Science et la Religion, Réponse à quelques objections. Cette brochure était depuis longtemps épuisée. La Préface, les notes et les appendices n’ont pas été reproduits, — je suis tenté de dire « malheureusement, » — dans le volume des Questions actuelles.