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Je ne sais si je me trompe ; mais il me semble que, dans ce passage, Ferdinand Brunetière nous laisse très nettement voir ce qu’il aime dans le catholicisme, et les raisons, à la fois très personnelles et très générales, de son adhésion au dogme. Si on rapproche cette déclaration, — et lui-même nous y invite, — du discours de Lille sur les Raisons actuelles de croire, on se rend compte que c’est justement cette « convenance interne » dont il parle qui l’a tout d’abord attiré, puis finalement rangé du côté du catholicisme. Resté très profondément « démocrate, » très attaché même à quelques-uns des « principes de 1789, » il n’aurait pu s’accommoder d’une doctrine qui fût en contradiction avec de8 aspirations qu’il estimait au total légitimes et fécondes ; et tout porte à croire que Léon XIII n’aurait pas exercé sur lui l’espèce de séduction personnelle qu’il a réellement exercée, s’il n’avait pas été le Pape de l’Encyclique Rerum novarum. Ceux qui ont voulu faire à tout prix de Ferdinand Brunetière ce qu’ils appelaient un « réactionnaire, » et l’un des derniers « prophètes du passé, » se sont mépris singulièrement sur son compte.

Une qualité qu’on ne lui refusait guère, surtout quand on l’avait entendu, c’était le don oratoire. Le titre qu’il avait adopté pour désigner ces campagnes de conférences où, pendant dix ans, il a dépensé tant d’activité militante, — Discours de combat, — est plus et mieux qu’un titre : c’est une définition. Ferdinand Brunetière a été avant tout un « orateur de combat ; » il l’était jusque dans ses livres ; ce fut là sa « faculté maîtresse, » sa passion dominante. Il n’était jamais plus lui-même, il n’était jamais plus maître de ses moyens, il ne donnait jamais mieux sa mesure, toute sa mesure, que lorsque, ayant en face de lui un nombreux auditoire, il s’efforçait, de la voix, du geste, de toute l’ardeur impérieuse de sa parole et de sa pensée, de conquérir cet auditoire, et de lui faire partager ses convictions. Il aimait ces luttes corps à corps avec le public, dont il recueillait sur-le-champ, dont il touchait pour ainsi dire du doigt les résultats ; il les aimait trop, puisqu’il s’y est usé avant l’heure et qu’elles ont sans doute hâté sa fin.

Ce qu’il a été comme orateur, un maître l’a dit ici même, au lendemain de sa mort, — avec quelle justesse admirative d’expression, les lecteurs de la Revue s’en souviennent, — et il y aurait quelque impertinence à le redire beaucoup plus mal. Ceux qui ont connu et aimé le prestigieux ascendant de cette éloquence seront heureux d’en retrouver quelques vestiges dans cette dernière série de Discours de combat.