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On y a recueilli les dernières conférences que Ferdinand Brunetière ait prononcées, ou du moins rédigées[1]. Elles sont toutes remarquables, et, comme toujours, extrêmement suggestives. Deux ou trois sont de tout premier ordre : celle de Besançon sur l’Action sociale du christianisme ; celle de Paris sur la Renaissance du Paganisme dans la morale contemporaine ; surtout peut-être celle d’Amsterdam sur les Difficultés de croire. Cette dernière, indépendamment de sa valeur propre, — je ne sais si, pour la puissance et la beauté de la construction, le hardi logicien a jamais fait mieux, — présente ce particulier intérêt d’être comme l’esquisse du volume où, sous le même titre, il se proposait d’étudier « la seconde étape » de l’âme religieuse à la recherche de son point fixe. Et pour toutes ces raisons, il ne sera pas superflu de s’arrêter quelques instans sur ce discours d’Amsterdam.


Messieurs, j’aurai le courage de le dire, — déclarait l’orateur en terminant, — ce n’est pas une objection qu’il s’agit aujourd’hui de réfuter, ni même dix, c’est une « mentalité » qu’il s’agit de refaire. À quelles conditions et de quelle manière y réussirons-nous ? Évidemment ce ne sera pas en divisant les problèmes, en les isolant les uns des autres, et, sous prétexte de rigueur scientifique, en les traitant dans une indépendance entière des rapports qu’ils soutiennent cuire eux ; mais, au contraire, et sans doute, en les rassemblant sous un même point de vue. Vous connaissez le mot de Pascal : « Il y a des vices qui ne tiennent à nous que par d’autres, et qui, en ôtant le tronc, s’emportent comme des branches. » C’est ce que je pense, Messieurs, des « difficultés de croire. » Lesquelles sont « les branches, » et laquelle est « le troue ? » C’est ce qu’on ne reconnaîtra qu’en les considérant ensemble et d’ensemble ! Je voudrais, Messieurs, que cette conférence pût vous y aider, et m’y aidât aussi moi-même, en nous servant à vous et à moi, comme d’un programme, dont nous ne nous lasserions plus de remplir les lacunes, d’éclaircir les obscurités, de fortifier les points faibles et de développer les indications.


« J’ai plaidé bien des fois, depuis trente ans, ajoutait-il en note, la cause de cette méthode « synthétique, » dont on pourrait dire qu’elle

  1. Il faut mettre à part la conférence sur le Génie breton, qui est d’une date plus ancienne (1895). Cette conférence, qui remet au point certaines affirmations un peu aventureuses auxquelles l’historien de la littérature française s’était, çà et là, laissé entraîner, en réagissant trop vigoureusement contre la théorie des races, cette conférence serait très précieuse pour qui voudrait définir la « poésie » de Ferdinand Brunetière : « Lorsque, au printemps, — y disait-il de la terre bretonne, — dans la saison où nous sommes, la lande s’y étoile de la pâle améthyste des bruyères et de l’or des ajoncs épineux, j’en faisais récemment encore l’expérience, il n’y a guère de paysage dont le charme ait quelque chose de plus doux, de plus enveloppant, et, comme on dit, de plus prenant sous son voile de mélancolie légère… »