d’erreurs contemporaines. Le document est venu en effet, mais est-ce à proprement parler un Syllabus ? Non, c’est un décret de la Congrégation de l’Inquisition, ce qui n’est pas la même chose. Aussi, bien qu’il ait été accueilli avec toute l’attention qu’il méritait, il n’a pas produit, tant s’en faut, l’impression très vive que les souvenirs d’un autre et vrai Syllabus, et d’une autre époque, en avaient fait attendre. Nous voulons parler du Syllabus de 1864, où le pape Pie IX avait mis à la fois toutes ses idées religieuses et politiques, et avait condamné avec une sévérité toute doctrinale sans doute, mais tranchante, les principes sur lesquels reposent la plupart des sociétés contemporaines. Aussi la révolte avait-elle été véhémente. Elle l’avait été un peu partout, mais surtout en France, dans une grande partie de l’opinion. Le texte hardi du Syllabus y était pour quelque chose : les circonstances y étaient pour plus encore. On était alors au milieu des polémiques passionnées que déchaînait la question romaine après la guerre d’Italie. Le Syllabus du pape Pie IX jeta de l’huile sur le feu. Nous n’avons pas à nous prononcer sur les questions qu’il soulevait, ni sur les condamnations qu’il portait ; mais, au point de vue purement politique, il manquait d’opportunité ; il a été habilement, vigoureusement, perfidement exploité contre l’Église ; il n’a pas servi sa cause. Aujourd’hui, la situation générale n’est plus la même. Les questions se sont modifiées aussi : elles ont du moins changé de forme. Le pape Pie X, quoi qu’on en dise et bien qu’il ait pris son nom, ne ressemble que d’assez loin à Pie IX. Le pseudo-Syllabus de 1907 ne devait donc pas produire le même effet que celui de 1864. Les uns en espéraient, les autres en craignaient trop. C’est un document très grave, digne d’une étude approfondie que nous ne pouvons pas faire dans une fin de chronique ; mais il ne sort pas du domaine religieux ; les questions qu’il traite intéressent surtout les théologiens ; il ne contient pas un mot dont les gouvernemens, ni même les partis politiques puissent s’inquiéter ou s’offenser. Ce sont là des différences sensibles avec le Syllabus qui a retenti autrefois comme un défi et un cri de guerre lancé au monde moderne. Le nouveau ne suscitera ni les colères, ni les révoltes qu’a provoquées l’ancien. Il contristera un certain nombre d’esprits : il affligera un certain nombre de cœurs ; il imposera une sorte d’ultimatum intime à un certain nombre de consciences ; mais son effet n’ira pas plus loin ; et, en tout cas, nul ne pourra reprocher au Pape d’être sorti de son domaine propre, c’est-à-dire du domaine spirituel, pour envahir celui des peuples et des rois.
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