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Le document a seulement pour objet de mettre les esprits en garde contre les travaux d’une école d’exégèse qui, s’appliquant plus étroitement qu’on ne l’avait encore fait jusqu’ici à l’étude et à l’interprétation des textes, en tire aussi des conclusions nouvelles. Qu’on puisse s’égarer dans cette étude, rien n’est moins douteux ; mais la question est de savoir si l’égarement avait été poussé au point où, un danger réel étant né pour elle, l’Église devait intervenir et arrêter dans leurs recherches des esprits qui ont au moins le mérite d’être sérieux, consciencieux, désintéressés. Cette question, ce n’est pas à nous à la trancher : nous constatons seulement que le Pape a cru devoir le faire et qu’il l’a fait dans un sens très restrictif. « Il est déplorable, lit-on dans le préambule du Décret, qu’il se trouve même des écrivains catholiques, en certain nombre, qui, outrepassant les limites marquées par les Pères et par l’Église elle-même, s’appliquent, sous prétexte de haute critique et à titre de raison historique, à chercher un prétendu progrès du dogme, qui n’est, en réalité, que sa déformation. » L’expression est dure : peut-être est-elle juste. Mais si les exégètes modernes, entraînés par l’espèce de fièvre qui s’attache à leurs études, ont renversé quelquefois sans les voir les bornes que le Décret cherche à rétablir, n’est-il pas à craindre qu’il ne rende à son tour ces bornes bien étroites, et qu’en y enfermant les investigations permises il ne tienne les esprits catholiques en dehors d’une science qu’il faut bien connaître, puisque, d’ailleurs, on ne peut pas la supprimer. Il y a en Allemagne, en France, en Italie, des savans et des écrivains catholiques qui ont effectivement entrepris de la connaître, de la pousser même vers de nouveaux progrès, pour la faire servir à une religion dont le fond reste immuable, comme il doit le rester, mais dont les traits essentiels peuvent être élargis et certains côtés être mieux éclairés. Qu’au cours de ces reconnaissances sur le terrain ennemi, quelques-uns de ces explorateurs aient été entraînés un peu loin, et que quelques autres se soient plus ou moins laissé conquérir par l’esprit avec lequel ils étaient aux prises, cela est possible. Des imprudences de langage ont été commises. Il faut souhaiter cependant que les études commencées ne soient pas interrompues, et que, pour échapper à un danger, l’Église ne tombe pas dans un autre, c’est-à-dire dans l’ignorance du mouvement scientifique qui emporte les intelligences et auquel, si elle veut vivre, elle ne doit pas rester étrangère. On l’attaque avec des armes nouvelles : n’est-il pas à craindre, si elle riposte seulement avec celles d’autrefois, qu’il n’y ait une disproportion redoutable entre les moyens d’agression et les