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duc de Plaisance, était rapporteur du budget de l’Instruction publique. Quand il en vint à l’Académie française, pour faire comme tout le monde, il crut devoir parler un peu légèrement de sa naissance, et plaisanter sur son fondateur : « En la créant, disait-il, Richelieu n’y cherchait peut-être que des panégyristes et des esclaves ; » mais il s’empressait d’ajouter qu’elle avait expié ses origines : « Elle s’est acquis des droits à la reconnaissance publique. On n’oubliera pas que plusieurs de ses membres ont été les apôtres de la liberté ; » et il proposait d’augmenter son budget ordinaire de l 200 livres pour récompenser un ouvrage sur un sujet utile.

On se préparait à voter, et ces conclusions allaient être probablement acceptées de tout le monde, lorsqu’un député parfaitement inconnu, Le Deist de Botidoux, s’avisa de dire : « Je demande l’ajournement jusqu’à ce que l’utilité de l’Académie française soit constatée. » Cette proposition était tellement conforme à l’opinion commune qu’elle fut adoptée sans débat. Quatre jours plus tard, le 20 août, Lebrun revient à la charge. Cette fois, il a préparé une défense plus longue des Académies[1], que Lanjuinais conteste avec vigueur, en invoquant l’exemple de l’Angleterre, alors fort à la mode. Mais l’abbé Grégoire répond à Lanjuinais et entraîne l’assemblée. Ce ne fut pas sans peine ; les Académies étaient si peu populaires qu’il fut bien entendu qu’on ne s’engageait à les subventionner que provisoirement pour l’année suivante, et à la condition qu’elles seraient tenues « de présenter dans les trois mois un projet de règlement qui fixât leur constitution. »

Il s’agissait donc d’accommoder aux temps nouveaux l’œuvre de Richelieu et de Louis XIV. L’Académie française ne perdit pas de temps[2] et se réunit en assemblée générale, le 28 août. Elle nomma une commission de cinq membres, qui choisit La Harpe comme rapporteur, et le 6 septembre suivant, à la rentrée

  1. Lebrun avait soin de dire, dans son discours, que les académies « lui sont et lui seront toujours étrangères. » Est-ce cette sorte d’engagement qui, sous l’Empire, l’empêcha d’être de l’Académie française, où sa place semblait marquée ? Dans tous les cas, il appartenait à l’Académie des Inscriptions, et sa traduction d’Homère l’en rendait tout à fait digne.
  2. Je ne sais comment un des derniers écrivains qui se soient occupés de l’histoire de l’Académie française a dit qu’elle s’était abstenue de répondre à la demande de l’Assemblée nationale. Les Registres nous montrent au contraire qu’elle mit beaucoup d’empressement et de bonne grâce à rédiger ses règlemens et à les envoyer.