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des vacances, le rapport fut lu, discuté et finalement adopté par la compagnie. Il n’a malheureusement été conservé ni par les Registres, ni dans nos archives ; mais nous en connaissons, sinon les termes mêmes, au moins la substance. La Harpe rédigeait le Mercure de France, et n’y épargnait pas sa prose. Son rapport, sous une forme plus appropriée au goût de ses lecteurs ordinaires, lui fournit la matière de deux articles du mois d’octobre 1790. On y devine que l’Académie, loin de se montrer intransigeante et revêche, avait fait des concessions importantes pour désarmer ses ennemis. Elle supprimait ou modifiait ce qu’on attaquait avec le plus d’acharnement chez elle. On avait soutenu, par exemple, qu’un dictionnaire ne peut pas être l’œuvre d’une réunion nombreuse, surtout si cette réunion se compose de gens d’esprit qui retardent et embarrassent le travail par leurs observations subtiles ; l’Académie décida qu’il serait rédigé, pour l’essentiel, par un comité de quelques personnes et revu par les autres seulement dans les parties douteuses et controversées : c’est à peu près ce qui se fait depuis cette époque. On lui reprochait de choisir trop volontiers des grands seigneurs, des ministres, des gens du monde ; elle se résout à renoncer à ces choix dont elle s’est longtemps glorifiée, et déclare « qu’elle regardera désormais les talons et les ouvrages comme les seuls titres académiques. » Elle ne se croira plus obligée, comme autrefois, à s’abstenir des questions politiques et religieuses ; elle traitera librement tous les sujets, « pourvu que sa liberté soit compatible avec le respect de la loi. » Il est probable que sur toutes ces modifications on se mit assez vite d’accord : elles étaient conformes à l’esprit nouveau et imposées par l’opinion. Mais il en y avait une autre qui dut embarrasser davantage l’Académie. On exigeait d’elle qu’elle rompît les liens qui l’attachaient depuis plus d’un siècle à la royauté. Louis XIV s’était déclaré son protecteur ; il lui avait accordé le droit, quand elle venait d’élire un de ses membres, de s’adresser directement à lui, sans passer par l’intermédiaire des ministres, pour que l’élection fût confirmée. Elle s’en était longtemps félicitée comme d’un précieux privilège ; mais les idées étaient changées ; ce qu’on tenait pour un honneur ne paraissait plus à la délicatesse des patriotes qu’une honteuse servitude et on lui demandait impérieusement de s’en affranchir. Il faut lui savoir gré d’avoir hésité à le faire. Il paraît bien que, pour éviter le reproche d’ingratitude, elle eu