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ils n’étaient plus que quatre : Morellet, Bréquigny, Ducis et La Harpe. Go fut la dernière séance de l’Académie française ; trois jours après, elle était supprimée avec toutes les autres.

La situation politique en ce moment était terrible ; une partie de la France venait de se soulever contre la Convention. Pendant que la Vendée victorieuse repousse les armées de la République, les étrangers s’avancent dans le Nord ; Mayence est forcée de capituler, Condé se rend aux Autrichiens, Valenciennes au duc d’York. À ces échecs, à ces dangers on répond par des provocations et des violences ; on jette en prison les généraux qui n’ont pas été heureux, on confisque les biens des gens qu’on a mis hors la loi, on installe la terreur à Paris. Le 1er août, les barrières sont fermées, pour que personne ne puisse sortir ; le soir, on cerne les théâtres, et l’on ne laisse passer que ceux qui peuvent exhiber une carte de civisme. On décide que le 10, les tombes des rois seront détruites à Saint-Denis et ailleurs et leurs cadavres jetés dans la fosse commune. C’est dans ces conditions et au milieu de cet affolement général que le jeudi, 8 août, se tient la séance de la Convention nationale. Elle débute par un désordre inexprimable : c’est une députation de toutes les assemblées primaires de la République qui vient pour acclamer la Constitution. Celui qui la mène, un vieillard de quatre-vingt-trois ans, lit une adresse enflammée, reçoit les félicitations de Robespierre, les embrassades du président de l’Assemblée, après quoi la députation défile aux cris de : Vive la Constitution ! Vive la Montagne ! en hurlant des chants patriotiques. Quand on fut devenu un peu plus calme, la véritable séance commença, et Grégoire prit la parole au nom de la Commission d’Instruction publique. On se souvient qu’en 1790 il avait défendu les Académies ; cette fois il venait demander qu’on les supprimât : les temps avaient marché. Il faisait sans doute quelques réserves en faveur de l’Académie des sciences, mais il n’allait pas jusqu’à proposer qu’elle fût conservée ; quant à l’Académie française, « qui est l’aînée, elle lui semble présenter tous les symptômes de la décrépitude ; » et il reproduit les reproches qu’on lui adresse d’ordinaire, sans y rien ajouter que quelques injures. Grégoire était au fond un modéré, mais, comme tous ses collègues du Marais, il avait peur. Pour échapper à la guillotine, il croyait devoir crier plus fort que les autres et cherchait à dépasser les plus violens par l’intempérance de son langage.