complètes pour le reste du voyage. » Elle ajoutait : « L’on prépare au Palais-Royal un appartement magnifique pour Madame, et toute sa maison est déjà réglée… Enfin elle trouvera tout prêt et magnifique, et sera très heureuse, s’il plaît à Dieu. »
Au reçu de cette lettre, Charles-Louis se mit en devoir de conduire sa fille à Strasbourg. Parmi les membres de la famille qui firent cortège à la fiancée figurait un jeune garçon de treize ans, le raugrave Carl-Lutz[1], fils aîné de Louise de Degenfeld. Cette fois encore, l’Électeur n’avait point perdu de vue l’intérêt de ses bâtards. Puisque Liselotte allait être riche, et influente à la cour d’un grand roi, il comptait sur elle pour aider tous ces pauvrets, à qui leur pays faisait grise mine à cause de la bigamie de leur père, et il se préoccupait de les faire connaître en France. Seul des parens d’Allemagne, dont aucun autre n’allait plus loin que Strasbourg, Carl-Lutz fut désigné pour accompagner sa sœur jusqu’à Metz, où le maréchal du Plessis-Praslin devait épouser Liselotte au nom de Monsieur.
On trouva la Palatine au rendez-vous. Elle n’y était point venue seule : « Elle avait amené avec elle, rapporte Chevreau qui était du voyage, le Père Jourdan, jésuite, pour voir si rien ne manquait à la nouvelle conversion. Mais les choses étaient en si bon état, qu’il ne trouva rien à faire pour lui de ce côté[2]. » Chevreau avait le droit d’être fier ; ce n’était pas son métier d’enseigner la religion.
Les adieux commencèrent. Charles-Louis fit promettre à Liselotte d’aimer fidèlement les enfans de Louise de Degenfeld[3], et la mit en voiture avec sa tante. Elle partit inondée de larmes, qui tournèrent bientôt en hurlemens. On lit dans sa première lettre à sa tante Sophie : « Mme de Wartenberg a dit vrai…, j’ai tant crié, que j’en avais le côté enflé ; depuis Strasbourg jusqu’à Châlons, je n’ai fait que crier toute la nuit. » Jamais elle n’oublia l’horreur de ce voyage vers l’inconnu et vers le mariage. Vingt-cinq ans après, elle en parlait encore : « Depuis que je suis en France, je mange trois fois moins qu’auparavant. Je crois que cela vient du chagrin effroyable que j’ai eu à Strasbourg en quittant Votre Dilection, papa et feu mon frère ; car