Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/818

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’ai été huit jours pleins, et même davantage, sans pouvoir boire ni manger qu’en me forçant[1]. »

Tandis qu’elle se tuait de crier, son père avait repris le chemin de ses États dans les dispositions les plus riantes. Il était content d’être débarrassé de sa fille, et content du beau mariage qu’elle faisait : « J’espère, écrivait-il de la route à la Palatine, qu’elle aura essuyé ses larmes entre ci et là, et observera les préceptes du psaume : Obliviscere populum tuum et domum patris tui. » Il avouait sa terreur des « accidens » qui font tout manquer à la dernière minute, et ajoutait : « Tant plus je songe à cette affaire que vous avez faite, tant plus je la trouve glorieuse à vous et importante à toute notre maison, et qu’elle vous en est éternellement obligée, comme je le suis en mon particulier[2]. »

Pour une fois, cet homme soupçonneux péchait par excès d’optimisme. Le mariage de la princesse Liselotte ne devait attirer que des malheurs au Palatinat, et la faute en fut à Charles-Louis. A l’époque où sa fille devint la belle-sœur de Louis XIV, un prince allemand ne pouvait pas avoir à la fois, pour patron et protecteur, l’empereur et le roi de France. Il fallait choisir, et c’est ce que Charles-Louis ne sut pas faire.


III

La maison de la future Duchesse d’Orléans l’attendait à Metz. Avec les personnes de qualité venues à sa rencontre, cela fit un public parisien pour la petite comédie politico-religieuse arrangée entre son père et sa tante. On s’était préparé en France à instruire la princesse Electorale dans la religion catholique. Quand on apprit, le 13 novembre, à son entrée à Metz, que la Palatine amenait une néophyte toute convertie et toute abjurée, bien qu’à l’insu de son père, il n’y eut plus qu’à prendre acte du fait accompli. L’abjuration officielle eut lieu le 14[3]. « On m’a seulement lu quelque chose, racontait Madame, et je devais répondre oui ou non, ce que j’ai fait absolument à mon idée. J’ai dit non

  1. Lettres du 5 février 1672 et du 24 février 1695.
  2. Du 4 novembre 1671.
  3. D’après le nonce (Archives du Vatican, Nunziatura di Francia, tome 145, non folié, dépêche du 20 novembre 1671). L’acte d’abjuration porte la date du 15 (Archives nationales, K, 542, n° 15).